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Contribution : « La Kabylie n’est pas une île aliénée»

Le projet de séparation n’est qu’un fonds de commerce dont se nourrit une poignée d’extrémistes en France

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La région de Kabylie (les Zouaoua) n’a jamais été, ni dans son passé ni dans son présent, une île aliénée hostile à son environnement national, selon la sagesse chinoise. L’histoire démontre au contraire – comme nous allons le voir – qu’elle constitue le cœur battant de l’Algérie. Dès lors, l’idée de la séparation n’est rien d’autre qu’une trahison du message des martyrs, qui appelaient à s’accrocher fermement à l’unité nationale.

Il ne fait aucun doute que la tendance séparatiste est une graine étrangère à notre société, née dans les laboratoires coloniaux du XIXᵉ siècle dans le cadre de la politique du « diviser pour régner ». Nos ancêtres y ont fait face avec succès durant toute la période de l’occupation française. Cependant, elle a refait surface après le recouvrement de la souveraineté nationale, pour de nombreuses raisons, dont l’exclusion de la dimension amazighe de la personnalité nationale — une erreur commise au début de l’indépendance, comme l’a reconnu le docteur Ahmed Taleb Ibrahimi.

Face à l’aggravation de la crise identitaire, un courant extrémiste en Kabylie a adopté l’idée de la séparation comme prétendue solution. L’État, sous la présidence du défunt Abdelaziz Bouteflika — que Dieu ait son âme — a pris conscience de la gravité de la situation et a adopté une décision historique en consacrant l’amazighité comme langue nationale dans la Constitution. Ce choix a coupé l’herbe sous le pied des partisans de la séparation, soutenus par les ennemis de l’Algérie, à leur tête la France vaincue, qui n’a jamais digéré son départ humiliant d’Algérie.

Ces séparatistes sont ainsi devenus un véritable cheval de Troie entre ses mains, servant à faire pression sur l’Algérie et à perturber sa politique affranchie de l’influence française. De plus, ils se sont jetés dans les bras d’une bande d’aventuriers sans foi ni loi, qui guettent toute occasion de nuire à l’Algérie.

En réalité, le projet de séparation n’est qu’un fonds de commerce dont se nourrit une poignée d’extrémistes installés en France, bénéficiant de la propagande d’un média mercenaire. Voilà que le plus grand des affabulateurs annonce aujourd’hui, 14 décembre 2025, ce qu’il appelle une « indépendance » : une indépendance fictive, sans peuple et sans territoire, car les habitants de la Kabylie restent profondément attachés à leur patrie, l’Algérie, qu’ils ont libérée du joug colonial français au prix d’immenses sacrifices.

La faillite des partisans de la séparation est confirmée par leur expulsion, il y a quelques jours à peine, d’un concert du chanteur Rabah Asma à Lille, d’où ils sont sortis couverts de honte. Si tel est leur sort en France, supposée être leur bastion, que dire alors de la Kabylie, connue pour être une forteresse du combat national libérateur depuis que la barbarie française a foulé la terre algérienne le 14 juin 1830 ?

Sans remettre en cause le patriotisme des habitants de la Kabylie (Zouaoua), il est utile de rappeler quelques repères historiques confirmant qu’elle est le cœur battant de l’Algérie et qu’elle ne peut exister en dehors d’elle. La ville de Béjaïa fut capitale de l’Algérie au Moyen Âge, à l’époque de l’État hammadide an-Naciri, à propos duquel le poète constantinois Hassan ibn al-Fakkoun écrivait « Délaisse l’Irak, Bagdad et le Levant, car Naciria n’a point d’égale parmi les pays. »
Parmi les gloires de Béjaïa figurent la rencontre des fondateurs de l’État almohade, Mohammed al-Mehdi Ibn Toumert et Abdelmoumen Ibn Ali al-Koumi, ainsi que son rôle dans la transmission des savoirs vers l’Europe, notamment les chiffres arabes.

Son université fut un phare du savoir ayant accueilli Mahieddine Ibn Arabi, Sidi Boumediene Chouaïb, Ibn Khaldoun et le poète andalou Ibn Hani (le « Mutanabbi de l’Occident islamique »), entre autres.

L’arrivée en Algérie des frères Aroudj et Khayr ad-Din Barberousse est liée à l’appel à l’aide des Zouaoua après l’occupation espagnole de Béjaïa en 1510, comme le rapporte l’historien Ibn Assaker dans son ouvrage Douhat an-Nachir (XVIᵉ siècle).

Lors de l’agression française de juin 1830, les Zouaoua répondirent à l’appel du dey Hussein et mobilisèrent environ 25 000 combattants ayant participé à la bataille de Staouéli. La résistance populaire, menée par les cheikhs des zaouïas, se poursuivit sans interruption jusqu’en 1871, année de la grande insurrection conduite par El-Mokrani et Cheikh Mohamed Ameziane El-Haddad, qui s’étendit à l’est, au sud et à l’ouest, menaçant sérieusement l’occupation française.

Après la Première Guerre mondiale, les Zouaoua se sont engagés dans la lutte politique dès l’apparition du parti Étoile nord-africaine en France, en 1926. En 1939, la Kabylie a donné le premier martyr du mouvement national indépendantiste, Arezki Kahla, dont les funérailles à Ardh Ath Yaala restent parmi les journées les plus mémorables de notre histoire contemporaine. Après la création de l’Organisation spéciale chargée de préparer la révolution armée en 1947, la Kabylie l’a accueillie et, mieux encore, elle a été dirigée par le moudjahid défunt Hocine Aït Ahmed après le décès de son premier président, Mohamed Belouizdad (que Dieu les ait tous deux en Sa miséricorde). Quant au moudjahid Krim Belkacem (que Dieu ait son âme), il s’était retranché dans les montagnes depuis 1947, préparant les moyens nécessaires pour déclencher la révolution.

Quant au rôle de la Kabylie dans le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954, il est plus connu que tout autre événement. La région formait, dans l’organisation de la révolution, la « Troisième Région » sous la direction du moudjahid Krim Belkacem. La Déclaration du 1er Novembre fut rédigée et imprimée dans la maison du moudjahid Ali Zeghoum, dans le village d’Ighil Imoula, actuellement dans la wilaya de Tizi Ouzou. La Kabylie a également accueilli le Congrès historique de la Soummam, qui donna un nouvel élan et une forte impulsion à la Révolution, comme chacun le sait.

Krim Belkacem dirigea la délégation algérienne aux accords d’Évian, et l’honneur de hisser le drapeau national à Sidi Fredj en 1962 revint au colonel Mohand Oulhadj (chef de la wilaya III).

Tout cela n’est qu’un aperçu du profond ancrage national de la Kabylie à travers l’histoire. Quelle force, sinon des illusions mensongères, pourrait prétendre la séparer de la patrie ? Je tiens enfin à attirer l’attention de l’opinion publique sur le fait que les plus grands alliés du séparatisme sont ceux qui continuent de propager un discours de haine visant la région.

*Historien et ancien parlementaire