À une époque où l'information se confond avec la rumeur, et où le défi d’achever l’organisation du secteur médiatique se heurte aux pressions extérieures des guerres de l’information, le nouveau ministre de la Communication, Zouheir Bouamama, se trouve face à une mission complexe qui nécessite une réforme structurelle pour permettre aux médias nationaux de relever les enjeux internes tout en faisant face aux menaces extérieures.
Parmi les problématiques internes majeures auxquelles est confronté le ministre figure le vide laissé dans le secteur depuis la promulgation des lois sur les médias en 2023. Bien que ces lois soient importantes, elles restent de simples textes sans mécanismes de mise en œuvre clairs, rendant leur contenu flou et difficilement applicable dans les milieux médiatiques.
L’Autorité de régulation de l’audiovisuel a recensé plusieurs dérives dans les contenus médiatiques ces derniers mois, allant de la diffusion de fausses nouvelles, à des dérapages rédactionnels, en passant par l’utilisation de contenus sensationnalistes visant à tromper l’opinion publique, et ce en l’absence de véritables outils de dissuasion.
Elle-même souffre d’un vide juridique et structurel : ses membres n’ont toujours pas été nommés, et elle est dirigée par un président par intérim, ce qui limite ses prérogatives et sa capacité d’intervention, la réduisant à de simples communiqués d’avertissement non contraignants. Ce climat a permis la persistance de pratiques héritées de la période de “chaos médiatique”, notamment dans certaines chaînes audiovisuelles focalisées sur l’audience et la publicité au détriment des valeurs professionnelles.
Dans ce contexte, les journalistes attendent la publication de la Charte nationale du journaliste, qui doit définir les règles éthiques et déontologiques de la profession, ainsi que les autorités de régulation de l’audiovisuel et de la presse écrite, qu’elle soit traditionnelle ou électronique.
Les violations persistantes dans les médias montrent la faible compréhension des nouvelles lois et l’absence de formation continue en matière d’éthique professionnelle, ce qui ouvre la voie aux interprétations erronées et aux infractions. Il devient donc urgent d’activer les instances de régulation, de nommer officiellement leurs membres, et de mettre en place un Conseil national de déontologie, pour restaurer la discipline dans le secteur et garantir l’équilibre entre liberté d’expression et sécurité informationnelle, dans le respect de la souveraineté nationale.
Au-delà des lois, le respect de la déontologie repose aussi sur une conscience interne des médias de l’importance de respecter les valeurs éthiques et humaines. La prolifération anarchique des sites web, en l’absence d’un registre national unifié et de normes professionnelles, a transformé l’espace numérique en un terrain propice au discours superficiel et aux contenus trompeurs, y compris ceux qui portent atteinte aux enjeux géopolitiques de l’Algérie. Dans ce contexte, les simples mises en garde de l’Autorité de régulation ne suffisent plus, sans mesures concrètes pour encadrer cet espace et protéger la société des fausses informations, notamment celles qui menacent la sécurité nationale et l’image de l’Algérie à l’étranger.
Les médias nationaux traversent aussi une période de mutation rapide, marquée par le déclin de la presse écrite traditionnelle et la montée en puissance des réseaux sociaux, devenus des concurrents directs des médias classiques. Un défi fondamental se pose : comment préserver la crédibilité dans un espace saturé de bruit et d’informations contradictoires ? Les réformes légales ne suffisent pas à elles seules ; il faut aussi renforcer les capacités technologiques et ancrer l’indépendance des médias, afin qu’ils ne deviennent pas de simples relais du discours officiel, ni des outils de règlements de comptes politiques.
À l’échelle extérieure, le mot, l’image et la vidéo sont devenus de véritables armes dans les guerres de l’information. De par sa position géographique, son rôle régional, et ses positions fermes sur les causes justes – au premier rang desquelles la question palestinienne et le dossier du Sahara occidental – l’Algérie est la cible de campagnes organisées visant à ternir son image et influencer sa souveraineté politique, à travers des rapports douteux, des contenus biaisés et des vidéos manipulées.
S’y ajoutent des outils technologiques avancés, comme l’intelligence artificielle, le deepfake, ou encore la manipulation des algorithmes, utilisés pour orienter l’opinion publique et influencer la conscience des citoyens.
L’évolution des moyens de communication et les défis croissants liés aux guerres médiatiques modernes imposent à l’Algérie de renforcer sa souveraineté numérique et médiatique, et de consolider la conscience sociétale face aux vagues de désinformation et d’influence étrangère, qui ne visent pas seulement le présent, mais cherchent aussi à ébranler l’avenir et la stabilité du pays.
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