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Messages derrière l’accueil par Tebboune d’une personnalité proche de Macron

La visite de Saadé intervient dans un contexte de tension inédite entre Alger et Paris

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La réception, hier lundi, par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, de Rodolphe Saadé, président-directeur général de la compagnie maritime de transport de conteneurs et de fret CMA CGM, proche du président français, a donné lieu à plusieurs interprétations politiques quant aux orientations de la crise entre l’Algérie et Paris, dans un contexte de tension sans précédent entre les deux capitales.

Rodolphe Saadé est ainsi la première personnalité française à se rendre en Algérie depuis la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, au début du mois d’avril, dans le cadre des suites de l’échange téléphonique survenu deux mois plus tôt entre les deux présidents. Depuis, la situation s’est à nouveau détériorée après l’incarcération par la justice française d’un employé consulaire algérien en France.

Bien que le visiteur ne détienne ni fonction gouvernementale, ni appartenance partisane ou politique qui lui permettrait de faire des déclarations sur les relations algéro-françaises, ni de jouer des rôles politiques officiels, plusieurs lectures associent cette visite à une tentative d’apaisement du blocage qui dure depuis dix mois. Ceci, notamment en raison des liens étroits entre Saadé et Macron, ce dernier l’ayant déjà accompagné lors de sa visite en Algérie en 2022.

Parmi les interprétations considérant cette évolution comme un signe d’apaisement, le professeur d’enseignement supérieur à Marseille, Dr. Abdelkader Haddouche, a déclaré au journal El Khabar que l’accueil par le président de la République d’un acteur économique français très proche du cercle de l’Élysée pourrait signifier que l’intéressé portait un message politique du président Emmanuel Macron à son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune.

Si tel est le cas, selon l’ancien député représentant la communauté algérienne en France, cela serait un indice de tentatives d’apaisement, parallèlement aux tensions persistantes, et une reprise progressive des relations via une figure considérée comme proche de Macron, davantage liée au monde économique qu’aux milieux politiques, dominés aujourd’hui en France par la droite et l’extrême droite.

Interrogé sur la possibilité pour une personnalité sans statut politique ou officiel d’influencer le cours de la crise, Haddouch a répondu par l’affirmative, en soulignant que "Saadé est un proche du président Macron, lequel reste, d’après les propos du président Abdelmadjid Tebboune lui-même, l’interlocuteur de référence pour le gouvernement algérien. Macron détient, de manière quasi-exclusive, le pouvoir d’orientation de la politique étrangère française."

L’universitaire a également lié cette visite à la relation d’amitié entre les deux présidents, Tebboune et Macron, suggérant qu’elle pourrait en être à l’origine, tout en n’écartant pas qu’elle puisse contribuer, même partiellement, à une désescalade de la crise et à la recherche d’une solution consensuelle.

Dans son évaluation des relations bilatérales, Haddouche a indiqué que cette visite reflète l’absence ou quasi-absence de communication institutionnelle directe entre Alger et Paris, en raison de l’absence de leurs ambassadeurs respectifs. Une situation qu’il qualifie de précédent exceptionnel dans l’histoire des relations algéro-françaises, "ce n’est pas une affaire banale !", a-t-il insisté.

Cette démarche, selon Haddouche, intervient à un moment où le plus grand bénéficiaire de cette crise est le courant populiste de droite radicale en France, pour des raisons liées à l’après-Macron, notamment à l’élection présidentielle d’avril 2027.

C’est pourquoi, selon lui, il convient de faire preuve de prudence afin d’éviter tout scénario qui, même indirectement, pourrait favoriser l’accession de ce courant à l’Élysée. Concernant les équilibres entourant cette crise et ses perspectives, Haddouche estime que l’intérêt commun impose un retour au calme et à des relations normales fondées sur les intérêts partagés et le respect mutuel, et que le moment est venu pour ouvrir un dialogue sérieux, en commençant par le retour des ambassadeurs de chaque pays à leur poste respectif.