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Mission de la délégation parlementaire algérienne auprès du FMI et de la BM à Washington

Dans un entretien avec El Khabar, le député Salim Merah dévoile les propositions faites par la délégation algérienne aux deux plus grandes institutions financières mondiales.

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Le député Salim Merah (groupe des indépendants), membre de la délégation parlementaire en visite à Washington aux États-Unis, a révélé la nature de leur mission auprès des deux principales institutions financières mondiales, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale. Dans un entretien accordé au journal El-Khabar, il revient sur les critiques et observations formulées par la délégation lors des rencontres avec les hauts responsables exécutifs, ainsi que sur les alternatives proposées.

Vous faites partie d’une délégation parlementaire au siège de la Banque mondiale et du FMI. Quelle est la nature de votre mission ?

Nous sommes des membres permanents du Réseau parlementaire mondial du FMI et de la Banque mondiale. Nos participations aux réunions périodiques tenues au siège de ces deux institutions financières mondiales se font en présence de leurs directeurs généraux, de leurs directeurs exécutifs, des experts, ainsi que de tous les membres du réseau parlementaire issus des parlements du monde entier. Cela nous permet de discuter de nombreuses questions économiques et de développement, et de la relation de chaque pays avec ces institutions, en exposant nos visions et en accompagnant la diplomatie officielle par une diplomatie parlementaire.

Je précise aussi que la première participation du Parlement algérien à ce réseau remonte à 2021.

Quel changement les parlementaires peuvent-ils apporter aux activités ou politiques de telles institutions financières majeures, qui fonctionnent selon des critères prédéfinis ?

Ces deux institutions ont déjà modifié leur philosophie et leur stratégie. Alors qu’elles ne traitaient auparavant qu’avec les gouvernements, elles ont créé un nouvel espace pour les organes législatifs, afin de leur expliquer leurs politiques, échanger les expériences et clarifications.

Pour ce qui est de l’Algérie, nous entretenons une relation sereine avec ces institutions, car nous avons évité le piège de l’endettement et nous bénéficions d’une indépendance politique et financière totale. Nous interagissons donc d’égal à égal avec elles, tout en essayant de tirer parti de leur expertise et de défendre les intérêts de notre pays, étant donné que ces deux institutions regroupent des experts compétents et une riche expérience.

Participer à ces rencontres nous permet également d’échanger avec des collègues d’autres parlements et de prendre connaissance des politiques et positions financières mondiales les plus récentes. C’est aussi l’occasion de tirer profit d’autres expériences en matière de gestion financière, d’entrepreneuriat, de soutien au secteur privé et de financement.

Quel est l’impact du rôle du Parlement algérien dans cet espace ?

Cet espace comprend tous les parlements du monde, ainsi que les groupes géopolitiques de tous les continents et blocs. Cette dynamique représente une opportunité pour clarifier les positions de l’Algérie et rallier les parlementaires du monde à ses causes, surtout que la majorité des pays occidentaux sont gouvernés par des systèmes parlementaires. Il devient donc possible de faire passer les idées et visions algériennes sur des causes défendues par notre pays, comme la cause centrale de la Palestine ou celle du Sahara occidental, dernière colonie en Afrique, entre autres.

Tout cela contribue à soutenir la diplomatie officielle définie par le Président de la République, notamment en appelant à un ordre mondial plus juste et équitable, où les pressions économiques et financières ne sont plus utilisées pour influencer ou détruire les positions politiques des États.

Vous avez déjà critiqué la politique des deux institutions financières, notamment sur le "deux poids, deux mesures" et la nécessité de "politiques préventives" plutôt que réactives...

Nous avons exprimé ces critiques dans le cadre des groupes Afrique du Nord et Méditerranée orientale, notamment concernant les cas de la Palestine et du Sahara occidental en matière de financement et de reconstruction. Il y a clairement un traitement inégal : tout un élan pour l’Ukraine en matière de financement, alors qu’il y a une injustice flagrante envers la Palestine.

Les responsables nous ont alors répondu que la Palestine n’est pas un État membre à part entière, et qu’il n’est donc pas possible de lui accorder l’aide souhaitée. Nous avons alors pris l’exemple du Kosovo, qui n’est pas reconnu par tous les États, mais qui bénéficie néanmoins d’aides bien supérieures à celles allouées à la Palestine.

Il est vrai que ces institutions sont sous l’influence des États-Unis, mais nous avons tenté de nous concentrer sur l’aspect humanitaire pour obtenir davantage de financements pour nos frères en Palestine. Parmi les critiques soulevées figurait aussi la nature négative et catastrophique des interventions de ces institutions en période de crise, qui laissent souvent derrière elles des sociétés détruites.

Nous avons demandé au vice-président de la Banque mondiale de nous donner un seul exemple de réussite dans un pays suite à leur intervention, mais il n’a pas pu le faire.

Nous leur avons donc dit que leurs politiques actuelles ont davantage causé la destruction des sociétés et le démantèlement des économies que leur structuration ou leur amélioration. Nous leur avons présenté l’expérience douloureuse de l’Algérie en la matière.

À partir de là, nous avons proposé qu’il est temps de changer de méthodologie et d’adopter des politiques plus sociales et plus justes, avec des interventions en amont des crises économiques, et non après coup, afin d’éviter que des décisions extérieures ne viennent démanteler le tissu social et anéantir les acquis durement obtenus par les pays concernés.

Votre voix est-elle entendue au plus haut niveau de ces institutions ?

Au cours de notre mission, nous rencontrons annuellement, ou deux fois par an, les hautes directions du FMI et de la Banque mondiale, notamment les présidents, directeurs généraux et directeurs exécutifs. C’est à ces occasions que nous faisons entendre notre voix, présentons nos visions et négocions pour préserver les intérêts de notre pays, en coordination avec le représentant du ministère des Finances au sein des deux institutions, l’ambassade d’Algérie à Washington, ainsi que le ministre des Finances lui-même, qui assiste aux réunions annuelles. Ces rencontres regroupent à la fois des parlementaires et des membres du gouvernement, ce qui permet une coordination entre les pouvoirs législatif et exécutif face aux directeurs exécutifs de ces deux grandes institutions financières mondiales.