Le Syndicat national des pharmaciens d’officine (SNAPO) a demandé l’accélération de la mise en place d’un index numérique national des ordonnances médicales relatives aux psychotropes et aux stupéfiants. L’objectif est de contenir la recrudescence du trafic par le biais d’ordonnances falsifiées ou volées, mais aussi de protéger les pharmaciens, incapables de distinguer, selon eux, les ordonnances authentiques des imitations, ce qui les expose à des enquêtes policières et à des poursuites judiciaires. Plusieurs cas d’agressions verbales et physiques ont été recensés, atteignant un pic à l’été 2024, après l’attaque « barbare » contre une officine à Bab Ezzouar à Alger.
Karim Merghemi, Vice-président du Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine SNAPO a révélé une augmentation du nombre d’ordonnances falsifiées ou volées, souvent indétectables à l’œil nu, car portant le cachet authentique ou imité d’un médecin spécialiste agréé. Ces sceaux sont soit subtilisés, soit contrefaits avec un tel degré de précision qu’ils échappent même à l’attention du médecin propriétaire du cachet.
Cette situation place pharmaciens et médecins dans un grand désarroi et les expose à des poursuites judiciaires en lien avec des réseaux criminels spécialisés dans le trafic de psychotropes, au moyen d’ordonnances falsifiées ou de cachets usurpés, utilisés pour tromper les pharmaciens et obtenir des produits destinés ensuite à un trafic illicite ciblant particulièrement les jeunes. Ces réseaux visent délibérément à piéger cette catégorie dans l’engrenage de l’addiction.
Face à cela, le SNAPO tire la sonnette d’alarme et appelle le ministère de la Santé à assumer ses responsabilités légales en mettant un terme à ce phénomène dangereux. La solution existe, insiste Merghemi : la numérisation des ordonnances permettrait de l’endiguer définitivement avant son aggravation.
De nombreux pharmaciens refusent déjà d’honorer certaines ordonnances dès qu’un doute plane, que ce soit sur leur authenticité ou sur le comportement du patient, par crainte de se retrouver impliqués dans des poursuites. Ce refus les expose fréquemment à des agressions. Le syndicat se dit préoccupé par ces comportements : d’une part, certains malades risquent d’être privés de leur traitement en raison d’un simple doute ; d’autre part, les pharmaciens qui acceptent des ordonnances apparemment conformes s’exposent à des poursuites si elles se révèlent falsifiées.
« Pris entre le marteau de la conscience professionnelle et l’enclume de la crainte judiciaire », explique Merghemi, « le pharmacien est dans une impasse ». Les exemples sont nombreux : les agressions et poursuites visant les pharmaciens à propos d’ordonnances de psychotropes révèlent presque toujours leur caractère falsifié ou contrefait. Or, la solution existe déjà dans la loi : l’article 5 bis 8 de la loi 04/18 modifiée et complétée, relative à la prévention des stupéfiants et psychotropes et à la répression de leur usage illicite, prévoit depuis plus de deux ans la création d’un index électronique national des ordonnances, placé sous la supervision des praticiens de santé, des inspecteurs du ministère de la Santé, ainsi que des autorités judiciaires, sécuritaires et douanières.
Mais cet index n’a toujours pas vu le jour. Pour Merghemi, aucun argument sérieux ne justifie ce retard, alors que cet outil est crucial pour sécuriser le circuit des ordonnances, lutter contre le trafic et prévenir l’addiction. Une fois opérationnel, il permettra aux véritables patients d’accéder sans entraves à leurs médicaments : le médecin devra enregistrer l’ordonnance sur la plateforme numérique nationale avant de la remettre au patient. Le pharmacien pourra alors, après vérification, délivrer le traitement en toute sécurité, tandis que les ordonnances falsifiées seront automatiquement détectées par les autorités compétentes, qui engageront les poursuites nécessaires.
Le SNAPO appelle le ministère de la Santé à mettre en œuvre cet index numérique et à élaborer le texte d’application correspondant. Des correspondances ont déjà été adressées à toutes les instances concernées.
Un mois plus tôt, une réunion avait d’ailleurs eu lieu avec le directeur général de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui s’est montré très intéressé par le projet, en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de prévention. Cet outil permettra de collecter et centraliser des données précises sur les patients consommateurs de psychotropes (nombre, types, quantités, répartition géographique), de renforcer l’action des forces de sécurité dans la détection des ordonnances falsifiées et d’identifier rapidement leurs auteurs. Les données recueillies aideront aussi les pouvoirs publics à prendre des décisions adaptées et à cibler les catégories les plus exposées aux risques d’addiction.
Des sanctions sévères pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison contre les agresseurs de pharmaciens
Le ministère de la Justice a récemment adressé une circulaire aux 48 juridictions du pays concernant la « protection des pharmaciens d’officine contre les agressions ». Elle ordonne de qualifier systématiquement les poursuites contre leurs agresseurs selon les articles 149 à 149 bis 14 du Code pénal, sauf si les faits justifient une qualification plus grave. Les peines peuvent atteindre 20 ans de prison en cas de séquelles permanentes, de mutilations ou de blessures infligées avec arme.
Cette décision s’inscrit dans le suivi du dossier de protection des professionnels et établissements de santé. Le ministère de la Justice a constaté que plusieurs agressions avaient été commises contre des pharmaciens privés sans que les auteurs soient poursuivis sous le régime spécifique des articles 149 à 149 bis 14, relatifs aux atteintes et outrages aux établissements et personnels de santé.
L’article 149 protège en effet tous les professionnels de santé, au sens de la loi 11-18 sur la santé. Son article 165 les définit comme toute personne exerçant dans un établissement ou une structure sanitaire et assurant un service de santé. L’article 308 de cette même loi inclut expressément les pharmacies parmi les lieux d’exercice. Les pharmaciens d’officine sont donc considérés comme des professionnels de santé, et les sanctions prévues par le Code pénal leur sont applicables.
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