Economie

La Banque d’Algérie renforce le contrôle sur les cryptomonnaies

Elle a adressé une instruction détaillée aux institutions financières pour accroître leur vigilance

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Dans le cadre de la lutte contre les risques croissants liés aux cryptomonnaies, la Banque d’Algérie a émis de nouvelles directives obligeant les banques et les établissements de paiement à renforcer leurs mécanismes de surveillance et à détecter toute transaction liée aux actifs virtuels, en définissant 14 indicateurs d’opérations suspectes nécessitant une enquête immédiate.

Ces lignes directrices figurent dans la circulaire n°06/2025, publiée le 12 novembre 2025, consultée par « El Khabar », émanant de la commission bancaire relative aux actifs virtuels, à leur interdiction et à leur prévention. Elles visent à empêcher toute relation ou transaction suspectée d’être liée aux actifs virtuels au sein des banques et de La Poste Algérie.

Ces mesures s’appuient sur les lois encadrant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment la loi 05-01 et le décret exécutif 23-428. Le document précise : « L’objectif de ces lignes directrices est de renforcer les pratiques de conformité des institutions concernées et d’assurer l’application stricte des interdictions liées aux actifs virtuels, tout en tenant compte des évolutions technologiques et des risques associés ».

Ces directives visent à structurer et renforcer les systèmes de prévention, ainsi qu’à identifier et prévenir les opérations liées aux actifs virtuels au niveau des banques et des services financiers de La Poste Algérie, désignés ci-après comme « les institutions assujetties ».

Elles prennent en considération les particularités juridiques et réglementaires de l’Algérie et visent à contrer les défis posés par l’utilisation des actifs virtuels à des fins illicites, comme le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive et l’utilisation de comptes ou systèmes de paiement au niveau des institutions assujetties.

Ces directives se fondent sur plusieurs références juridiques et réglementaires, notamment la loi n°17-11 du 27 décembre 2017 relative à la loi de finances 2018, la loi n°01-05 du 6 février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, telle que modifiée et complétée, en particulier les articles 6 bis et 31 bis, le décret exécutif n°428-23 du 29 novembre 2023 sur les procédures de gel et/ou de confiscation des fonds et biens dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, le règlement n°03-24 du 24 juillet 2024 relatif à la prévention du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme et du financement de la prolifération des armes de destruction massive, tel que modifié et complété.
Les actifs virtuels sont définis comme des valeurs numériques échangeables numériquement, transférables ou utilisables à des fins de paiement ou d’investissement, et n’incluent pas les opérations portant sur les monnaies fiduciaires numériques, les titres ou autres actifs financiers.

Le document souligne que les actifs virtuels, notamment les cryptomonnaies, diffèrent fondamentalement des monnaies traditionnelles : ils ne bénéficient d’aucune garantie gouvernementale et ne reposent sur aucun support financier tangible. Ces caractéristiques en font des instruments idéaux pour les fraudeurs et les blanchisseurs d’argent, en raison de la rapidité de leur transfert et de la difficulté de leur traçabilité, ainsi que de leur forte volatilité.

Concernant les risques et défis liés aux actifs virtuels, le document indique : « Les actifs virtuels diffèrent des monnaies traditionnelles car ils ne disposent d’aucune garantie étatique, ne reposent ni sur l’or ni sur d’autres devises. Ils permettent des transferts rapides sans intermédiaires, ce qui les rend particulièrement attractifs pour les personnes exclues du système bancaire classique. Cependant, cette même caractéristique attire également des acteurs illégaux tels que fraudeurs et criminels. Bien qu’ils contribuent à l’inclusion financière, ils comportent des risques majeurs, notamment en matière de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme, de prolifération d’armes de destruction massive, de cybercriminalité et de forte volatilité, posant ainsi de grands défis pour la supervision et la régulation ».

Indicateurs de détection des opérations suspectes

Les 14 indicateurs de suspicion sont répartis en trois catégories : indicateurs financiers : transferts vers des sites ou plateformes connus pour le trading de cryptomonnaies, changements constants d’adresses IP lors des transactions, lien de ces adresses avec le darknet, tentatives de transfert vers des plateformes classées comme suspectes.
Schémas de transactions suspectes : transferts répétés de petites sommes sur de courtes périodes, transferts depuis des comptes récemment ouverts ou inactifs, transferts multiples de clients différents vers la même plateforme, schémas de transferts ressemblant à des stratagèmes frauduleux.
Indicateurs liés aux clients : transactions incompatibles avec les revenus ou la profession du client, transferts injustifiés entre parties sans relation claire, dépôts en espèces répétés suivis de transferts immédiats.

Renforcement des mécanismes de contrôle

Les nouvelles directives imposent aux banques de renforcer leurs systèmes de surveillance électronique en utilisant des mots-clés tels que « Bitcoin » ou « Ethereum », de développer des mécanismes pour détecter l’usage de mixers et de portefeuilles anonymes, de mener des recherches approfondies sur les réseaux sociaux et sites web, de mettre à jour régulièrement les informations clients et de vérifier les sources de fonds, ainsi que de former continuellement le personnel aux dernières techniques de fraude.

Signalement immédiat et sanctions

La Banque d’Algérie a obligé les institutions financières à signaler immédiatement toute opération suspecte à l’Unité de traitement des informations financières, tout en garantissant la confidentialité et sans informer le client. Elle a averti que toute violation de ces directives exposerait les institutions à des sanctions légales.

Protection du système financier

Ces mesures représentent une avancée importante pour protéger le système financier algérien contre les risques liés aux évolutions technologiques, et reflètent la volonté des autorités de suivre les standards mondiaux en matière de lutte contre la criminalité financière électronique, tout en préservant la stabilité du secteur et en protégeant les épargnants contre les risques potentiels des cryptomonnaies.

Globalement, ces directives visent à construire un bouclier numérique protégeant l’économie nationale contre les menaces émergentes à l’ère digitale, tout en maintenant un équilibre entre adoption de l’innovation financière et stabilité du système financier.