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Mali : La chute de l’avion "Soukhoï" révèle un tournant dans la gestion des combats

À travers le recours à un avion de chasse, il apparaît que l" Africa Corps" adopte désormais les armes lourdes et une approche fondée sur la traque aérienne.

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L'utilisation de l'avion de chasse célèbre "Soukhoï 25" dans une mission de l'armée malienne ou du Corps africain, pour "cibler les combattants de l’Azawad" dans le nord du pays et sa chute par ces mêmes combattants, constitue un développement marquant dans la gestion des affrontements dans le nord du pays. Cela soulève de nombreuses interrogations, notamment sur les motivations et les objectifs de ce changement dans la stratégie militaire des dirigeants de Bamako, soutenus par les Russes.

Pour la première fois depuis la reprise des affrontements entre les combattants de l'Azawad et les forces gouvernementales il y a deux ans, un avion de combat "Su-25" a décollé hier matin, avec un équipage russe, pour une mission offensive dans le nord du pays, selon le porte-parole du Front de libération de l'Azawad. L’avion a été visé par les défenses des éléments de l'Azawad, avant de s’écraser sur le chemin du retour vers son point de départ, l’aéroport de Gao.

Cet incident, que l'armée malienne a attribué aux "mauvaises conditions météorologiques", reflète un changement stratégique dans les outils de gestion du conflit par les autorités militaires de transition. Cela marque une transition de l'utilisation des éléments du groupe "Wagner", qui se basait sur une doctrine de combat fondée sur les affrontements directs, vers l’"Africa Corps", qui semble, à travers l'utilisation de cet avion de chasse et de son équipage russe, opter pour des armes lourdes et une approche centrée sur la traque aérienne.

Avant de recourir à l’aviation de chasse russe, les autorités de transition avaient expérimenté dans leur guerre contre les combattants de l'Azawad et les groupes terroristes, les drones turcs qui opèrent à haute altitude, contrairement au "Soukhoï 25" qui, selon des experts militaires, pourchasse ses cibles à basse altitude. Cela lui confère, selon eux, rapidité, précision et capacité à suivre des cibles mobiles, mais la rend également vulnérable aux tirs des mitrailleuses anti-aériennes les plus simples.

Un ancien officier militaire ayant opéré dans des zones similaires aux régions du nord malien, ayant requis l’anonymat, affirme que l’avion de chasse russe est l’un des plus utilisés dans les guerres après sa modernisation entre 2006 et 2016, selon des statistiques précises d’organismes spécialisés. Il précise qu’il appartient à "l’Africa Corps", comme en témoigne son équipage russe et son utilisation pour la première fois juste après ou en même temps que l’officialisation de la mission de cette formation paramilitaire gouvernementale.

Selon cet expert, le recours à des missions offensives avec des avions de chasse constitue un tournant dans les affrontements et une évolution dans les outils de gestion du conflit, sans pour autant parler de supériorité, car "l’affrontement est dès le départ inégal, tant en termes d’armement que de nature des belligérants, de leur formation et de leur doctrine de combat".

Dans le contexte des analyses proposées sur les développements récents dans le nord du Mali, certains observateurs estiment que l’approche basée sur la militarisation accrue et les solutions violentes coûtera très cher au pays à court terme, compte tenu de sa structure infrastructurelle et ethnique, surtout après la fermeture récente de l’espace politique par le conseil militaire de transition, avec la dissolution de tous les partis, l’étouffement des initiatives politiques et la poursuite des opposants notoires.

Ces mêmes observateurs prévoient une aggravation des tensions dans la région, avec la présence de groupes terroristes armés qui tirent profit des troubles sécuritaires et des déséquilibres de développement, en recrutant de nouveaux membres, en s'emparant d’armes et en tirant profit du trafic et des rançons issues des enlèvements.

Ce qui aggrave encore la situation, selon eux, c’est l’implication de puissances étrangères dans le conflit, qu’elles alimentent pour servir leurs propres agendas. C’est pourquoi l’approche proposée par l’Algérie dans les forums internationaux, fondée sur les solutions politiques, le dialogue et le développement, est la plus réaliste, rationnelle et bénéfique pour le pays, tant pour le gouvernement que pour le peuple.