Alors que les médias marocains ont couvert les récentes manifestations de rue et les secousses politiques qu'elles ont engendrées d'une manière largement alignée sur le gouvernement, exonérant le palais royal, et déformant ou simplifiant les faits, plusieurs chaînes arabes et arabophones se sont quant à elles partiellement abstenues d’évoquer les événements.
Le suivi médiatique des développements au Maroc, notamment par les chaînes du Golfe, a clairement obéi à la logique de la théorie de “l’agenda-setting”, l’une des plus utilisées dans le champ de la communication. Ainsi, les faits survenus au sein du royaume ont été relégués au bas de la liste des priorités médiatiques, voire complètement évincés des journaux, malgré leur importance, juste après des sujets majeurs comme le génocide à Gaza ou la saisie de la Flottille de la Liberté.
Selon cette théorie, les médias n’indiquent pas au public ce qu’il doit penser, mais ce à quoi il doit penser, en mettant l’accent sur certains sujets tout en en occultant d'autres. Ainsi, les questions mises en avant par les médias deviennent naturellement plus importantes aux yeux du public.
Cependant, ce qui frappe ici, c’est l’usage excessif — voire extrême — de cette théorie par les chaînes arabes et arabophones, au point de se déconnecter totalement de la réalité. Ce silence médiatique total contraste fortement avec la couverture d’événements similaires dans d’autres pays, alors même que des bavures graves ont été enregistrées au Maroc, avec des morts suite à la répression policière des manifestations.
Et même lorsqu’un média aborde le sujet — comme c’est le cas de la chaîne française France 24 —, la nature de la couverture (titres, ton, durée, invités, vocabulaire utilisé) semble orientée, avec une volonté apparente de relativiser les faits ou de les reformuler au profit d’une certaine lecture politique ou d’un agenda précis.
Ce double traitement est encore plus visible lorsque l'on compare la manière dont ces chaînes couvrent l’actualité en Algérie et au Maroc. La différence saute aux yeux : l’Algérie est souvent pointée à travers un prisme très critique, alors que le Maroc bénéficie d’un traitement plus neutre, voire flatteur, surtout sur les chaînes du Golfe. On y remarque un enchaînement de sujets négatifs sur l’Algérie, alors que les infos marocaines sont soit absentes, soit superficielles, qu’elles soient positives ou négatives.
Ce déséquilibre est si flagrant qu’il n’a même pas besoin d’être démontré : le Maroc est virtuellement absent des grilles d’info, alors que des pays comme l’Irak, la Syrie, la Libye ou le Yémen — malgré la véracité de leur situation dramatique — bénéficient d’une large couverture, souvent axée sur le négatif et le désespoir.
Ce choix éditorial, fondé sur la théorie de l’agenda-setting, ne relève pas d’un arbitrage journalistique neutre, mais d’une sélectivité délibérée, dictée par des orientations politiques et idéologiques propres aux États qui possèdent ou influencent ces chaînes.
Des observateurs notent que ces lignes éditoriales reflètent la position officielle de plusieurs pays du Golfe vis-à-vis des événements et leur soutien indéfectible à la monarchie marocaine, actuellement sous pression de la rue.
Mais ce que les stratèges des rédactions télévisées, ou ceux qui les contrôlent, refusent encore d’admettre, c’est que le pouvoir d’influence des médias traditionnels est en déclin, face à la montée en puissance de l’information numérique, laquelle n’est pas non plus à l’abri des manipulations, notamment à travers l’usage massif de l’intelligence artificielle et des algorithmes de diffusion.
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