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Terrorisme au Sahel : La responsabilité incombe à la communauté internationale

L’expert en relations internationales, Rachid Allouche : plus de 65 % des territoires du Burkina Faso et du Mali échappent au contrôle de l’État.

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La recrudescence du terrorisme dans la région du Sahel révèle une crise qui dépasse les frontières nationales et met en lumière un certain aveuglement international difficile à expliquer, exposant le continent à des menaces complexes dont la gravité s’accroît avec le temps.

L’expert en relations internationales, Rachid Allouche, et en commentaire de l’avertissement du ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, depuis Luanda sur l’ampleur croissante du terrorisme en Afrique et dans le Sahel, a rappelé que l’Algérie avait déjà pris conscience du recul continu des efforts internationaux et régionaux, ainsi que de la faiblesse des mécanismes de réponse et de leadership dans le soutien international à la lutte contre le terrorisme mondial.

Dans une déclaration à El Khabar, Allouche a estimé que ce recul a créé un vide exploité par les groupes extrémistes pour renforcer leurs capacités terroristes. Il a précisé que ces capacités ne se limitent plus à des groupes isolés, mais que ces derniers disposent désormais de véritables « armées terroristes » qui ont propagé l’instabilité à travers l’Afrique.

Il a également souligné que ces groupes ont tiré parti de l’apathie internationale pour intégrer la technologie dans leurs activités terroristes, que ce soit en accumulant des armes ou en augmentant leurs effectifs et leurs capacités financières, souvent en lien avec la criminalité organisée.

Allouche a indiqué que des tiers internationaux financent ces groupes en versant d’importantes rançons, renforçant ainsi leur pouvoir et faisant du Sahel un terreau favorable aux activités terroristes.

Ces signaux alarmants ont poussé l’Algérie, depuis plus de cinq ans, à avertir de manière continue que l’Afrique risquait de devenir un foyer de terrorisme mondial transfrontalier.

Il a souligné la nécessité de développer de nouveaux mécanismes de réponse internationale et régionale, à partir du Conseil de sécurité et de toutes les plateformes multilatérales. Selon lui, 51 % des décès liés au terrorisme mondial ont eu lieu dans le Sahel en 2024, illustrant le danger croissant dans la région.

Allouche a ajouté que les groupes terroristes dans le Sahel sont désormais capables d’exercer une forme de gouvernance locale dans les zones périphériques échappant au contrôle de l’État. Plus de 65 % des territoires du Burkina Faso et du Mali sont hors de la portée de l’État, compliquant davantage la situation sécuritaire.

Il a également mentionné que les coups d’État militaires dans certains pays du Sahel ont créé des vides sécuritaires et des crises complexes dont ont profité les groupes extrémistes pour intensifier leurs activités terroristes. Selon lui, le silence international et le recul dans la lutte contre le terrorisme, malgré les avertissements de l’Algérie et les chiffres alarmants, s’expliquent par l’intensification de la concurrence géopolitique dans la région, qui a paralysé les mécanismes multilatéraux.

Chaque acteur cherche à renforcer son influence sans prendre en compte les préoccupations sécuritaires locales, alors que les rançons importantes continuent de circuler, exacerbant l’instabilité.

Allouche a ajouté que certaines puissances internationales cherchent délibérément à déstabiliser la région pour cibler la sécurité nationale de l’Algérie et fragiliser la stabilité régionale, un plan qui servirait leurs intérêts. Il a également rappelé que le changement de priorités des grandes puissances – comme la guerre en Ukraine, la lutte pour l’influence en Asie et au Moyen-Orient – ainsi que l’épuisement dû à des années de « guerre contre le terrorisme », ont rendu l’intervention dans le Sahel un fardeau non désiré, provoquant un retrait progressif et laissant un vide sécuritaire aux conséquences de plus en plus graves.

Le manque de vision internationale unifiée pour traiter les crises africaines aggrave encore la situation. Les organisations internationales, malgré leur présence discursive, souffrent de divergences entre l’Union européenne, l’ONU et l’Union africaine, ralentissant la formulation d’une stratégie collective efficace. La concurrence pour l’influence économique et militaire a dispersé les efforts, les intérêts géopolitiques l’emportant sur le traitement des causes profondes de l’extrémisme et de l’effondrement de l’État dans le Sahel.

Dans ce contexte, les déclarations du ministre d’État, ministre des Affaires étrangères et des Affaires africaines, Ahmed Attaf, reflètent une position algérienne claire et directe, mettant en garde la communauté internationale. Il a souligné que le terrorisme dans le Sahel « propage corruption et crimes » dans un silence international incompréhensible, signalant politiquement que l’ignorance de cette menace n’est plus un simple manquement mais un désengagement aux conséquences pouvant s’étendre au-delà de l’Afrique, jusqu’en Méditerranée et en Europe.