Nation

Algérie-Paris…, vers la rupture

La situation actuelle entre les deux pays indique que la relation avec Paris se dirige vers une phase de rupture effective, après une accalmie partielle à l’issue d’ententes entre les présidents des deux pays.

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Les relations entre l'Algérie et la France se dirigent vers le début d'une phase de rupture, avec l'expulsion de 24 membres des deux missions diplomatiques, puis une nouvelle vague d’expulsions, ayant eu lieu hier et aujourd’hui, des deux côtés, en plus des mesures, positions et décisions non annoncées qui auraient pu être prises dans les rouages des deux administrations à plusieurs niveaux de coopération.

Avec l’annonce, aujourd’hui, du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, de la convocation du chargé d’affaires algérien à Paris, pour lui signifier que la France "expulsera" des diplomates algériens, en réponse au refus de l’Algérie d’autoriser l’entrée de 15 agents diplomatiques hier, selon les médias officiels, la tension entre les deux capitales est entrée dans un cycle sans fin de décisions et de contre-décisions, de réponses et de réponses aux réponses, dans une escalade sans précédent dans la gestion des relations diplomatiques entre États.

Cette situation indique que la relation avec Paris est effectivement entrée dans une phase de rupture, après une accalmie partielle issue d’accords entre les deux présidents, accords qui ont été tués dans l’œuf par l’emprisonnement d’un employé consulaire algérien en France, en contradiction avec les usages et les codes diplomatiques.

Il est à noter que Paris tente de séparer la question de l’expulsion des diplomates de celle de la poursuite judiciaire et de l’emprisonnement de l’employé consulaire algérien, en dehors des usages internationaux, ainsi que des soupçons visant un autre diplomate en vue de l’inculper dans l’affaire des accusations d’enlèvement du dénommé "Amir DZ". Tandis que, pour l’Algérie, les décisions d’expulsion sont globales et liées, formant un tout cohérent, et partent du point de départ qu’est la poursuite et l’incarcération de l’agent consulaire en violation des lois et usages en vigueur.

La crise entre les deux pays avait commencé après que la France eut enfreint la légitimité internationale sur la question du Sahara occidental, ignorant que cette affaire est inscrite à l’ordre du jour de l’Organisation des Nations unies,  dont elle est un membre permanent du Conseil de sécurité, et qu’elle est donc tenue de rester neutre dans tous les processus de décolonisation abordés au sein de cette organisation.

Les événements se sont ensuite compliqués et multipliés, conséquence naturelle du jeu de rôles adopté par Paris dans la gestion de la crise, laissant une grande marge de manœuvre au ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a agi selon ses convictions et ambitions personnelles et partisanes à l’égard de l’Algérie et des Algériens. Il a donné une dimension sécuritaire aux événements en émettant des instructions strictes pour arrêter ou restreindre le traitement des demandes de résidence des migrants, puis en autorisant l’ouverture d’enquêtes sécuritaires contre un employé consulaire, dans le cadre d’accusations datant de plus d’un an, sans en informer son pays, profitant d’un contexte politique favorable dans lequel coexistaient et s’équilibraient des courants contradictoires.

Paris a poursuivi sur la même ligne tracée par Retailleau, à travers la Direction de la sécurité intérieure, sous son autorité, qui a annoncé soupçonner un ancien haut responsable de l’ambassade d’Algérie à Paris d’être impliqué dans l’enlèvement d’Amir Boukhors, avec la complicité de trois autres personnes, dont un employé consulaire algérien, actuellement en détention provisoire dans le cadre de l’enquête sur ces accusations.

Les signes de l’emprise croissante de l’extrême-droite sur le discours officiel de l’État français commencent à apparaître, à travers l’intrusion du ministre de l’Intérieur dans les affaires étrangères de son pays sans limite ni protocole, malgré les remarques émises par son collègue des Affaires étrangères, d’une part, et par la justice d’autre part, remarques qui se sont révélées n’être qu’un cri dans le désert, et un simple décor destiné à donner l’impression d’une séparation des pouvoirs et de la non-ingérence dans les rôles respectifs.