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Makri…, de l’héritage de Nahnah au jeu des projecteurs

Au fil du temps, l’obsession de Makri pour la visibilité médiatique est devenue le trait le plus marquant de son parcours.

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Abderrazak Makri, ancien président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), demeure une figure controversée du paysage politique algérien. Depuis son apparition sur la scène nationale, son discours a davantage été associé au spectacle médiatique, à l’exagération et à la recherche d’effets d’annonce qu’à l’action politique rigoureuse, au point qu’il est devenu, pour beaucoup, une caricature de l’opposant nourri par le bruit et les projecteurs.

Dès le départ, Makri a exploité l’héritage du fondateur du mouvement, le défunt Mahfoud Nahnah, pour servir ses propres ambitions. Il a écarté ses rivaux et transformé le parti en instrument au service de son projet personnel, bien plus qu’en cadre collectif au service d’une cause politique. Derrière ses slogans d’opposition, il n’a pas hésité à entrer dans des compromis avec le régime de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, révélant ainsi une pragmatique à outrance, voire une contradiction flagrante.

Au fil du temps, son obsession pour la visibilité médiatique est devenue son trait le plus marquant. Makri s’est illustré par des déclarations polémiques – à l’instar de sa sortie dans laquelle il a  affirmé que l’affaire des jeunes harraga « restera dans l’histoire » – ou par des initiatives théâtrales, comme son annonce d’embarquer pour Gaza, tout en sachant que son voyage s’arrêterait au premier blocus israélien. Pour lui, l’essentiel résidait dans l’image et l’écho médiatique, quitte à sacrifier la crédibilité politique.

Cette logique ne s’est pas limitée à l’intérieur du pays. Makri a multiplié, pendant des années, les déplacements aux forums internationaux – de la Malaisie à la Turquie, de l’Égypte au Liban – dans l’espoir d’apparaître sur la photo aux côtés de personnalités influentes. Mais ce qui a le plus suscité de soupçons demeure ses liens étroits avec certains cercles américains. Des diplomates américains l’ont qualifié de « bonne source », et Robert Ford – ancien ambassadeur accusé d’avoir alimenté des crises dans le monde arabe – l’a même décrit comme un allié potentiel. Un paradoxe criant, lorsque l’on compare ses larmes versées pour Gaza et ses diatribes contre l’Occident avec sa participation à des activités organisées par des institutions comme le National Endowment for Democracy (NED) ou Freedom House, toutes deux réputées proches des services de renseignement américains.

Cette contradiction structurelle est devenue sa marque de fabrique. Capable de s’allier avec des partis laïques comme le RCD au sein de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, il n’hésitait pas ensuite à se retourner contre le courant berbériste. Critique virulent des États-Unis le matin, invité complaisant de leur ambassade le soir. Pourfendeur des régimes autoritaires, il a accueilli avec enthousiasme le retour des talibans au pouvoir. Une plasticité extrême que certains qualifient de « sens politique », mais qui traduit surtout une crise identitaire profonde.

Aujourd’hui, privé de la présidence du MSP, Makri ne semble avoir pour seul recours que la surenchère populiste. En 2023, il a tenté de peindre l’Algérie comme « silencieuse et soumise » face à Gaza, ignorant volontairement que le pays figure parmi les soutiens les plus constants et les plus affirmés de la cause palestinienne, tant au niveau arabe qu’international – témoignage des Palestiniens eux-mêmes. Un discours qui reflète moins la réalité de la diplomatie algérienne qu’une stratégie de provocation médiatique pour retrouver une visibilité déclinante.

En somme, Makri n’est pas un opposant classique, mais une anomalie politique construite sur les contradictions. Fruit d’un « printemps arabe » avorté, il n’a trouvé sa place que dans le vacarme et l’outrance, coincé entre de grands slogans sans traduction concrète. Si certains dirigeants ont été façonnés par la guerre froide, Makri incarne l’enfant d’une ère de convulsions arabes, ayant produit des leaders préférant l’image à l’action, le verbe au projet.

Enfin, Abderrazak Makri apparaît moins comme un homme de programme que comme un amoureux des caméras, un opposant fabriquant du bruit pour rester présent dans les flux des réseaux sociaux et les titres de la presse friande de personnages à controverse. Entre ses larmes de crocodile sur Gaza et son goût des salons diplomatiques occidentaux, une vérité s’impose : l’homme cherche avant tout la lumière, et non la position ; l’image, et non la vérité.