Société

Drogues : apparition de nouvelles méthodes de consommation plus dangereuses

Des responsables et des experts tirent la sonnette d’alarme lors d’une rencontre à Constantine

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Le directeur général de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Tarek Kour, a révélé une hausse inquiétante de la consommation de psychotropes en Algérie, indiquant que les saisies de ce type de substances ont atteint 32 millions de comprimés de différentes catégories durant l’année en cours, soit une augmentation estimée à 100 %. Il a appelé à tirer la sonnette d’alarme face à l’évolution des modes de consommation, d’autant plus que la toxicomanie entraîne désormais des cas de décès dus aux overdoses.

Le Conseil judiciaire de Constantine a abrité aujourd’hui une journée d’étude consacrée au cadre juridique national de prévention et de lutte contre les drogues, durant laquelle ont été abordés les principes généraux et les mesures de prévention des stupéfiants et psychotropes dans le cadre de la législation algérienne.

Tarek Kour a indiqué que les statistiques enregistrées au cours du premier semestre 2025 font état de la saisie de 20 tonnes et plus de 827 kg de cannabis, en plus de 100 kg d’héroïne et de 32 millions de psychotropes de divers types, soit une augmentation de 100 %.

Selon lui, et d’après l’Institut de criminologie de la Gendarmerie nationale, les modes de consommation ont changé en Algérie : d’une société principalement consommatrice de cannabis, on observe un glissement vers les psychotropes et les drogues dures. Il a évoqué une hausse alarmante des cas d’overdoses mortelles, ainsi que l’apparition de nouvelles pratiques particulièrement dangereuses, comme des jeunes qui consomment des psychotropes puis transfusent leur sang à d’autres, entraînant ainsi la transmission de maladies infectieuses, notamment le sida, où des cas d’infection collective ont été recensés, ainsi que d’autres maladies contagieuses.

Le responsable a salué la stratégie nationale de prévention contre la drogue 2025-2029, qui a vu la participation de 14 secteurs en coordination avec l’Office national de prévention contre la drogue. Cette stratégie repose sur la prévention, le traitement et la prise en charge. Il a appelé à considérer les consommateurs comme des victimes à soigner, tout en renforçant la répression contre la promotion au sein des établissements scolaires et en durcissant les sanctions contre les trafiquants, les dealers et les organisations criminelles. Il a cité, à titre d’exemple, certains pays se réclamant de la démocratie qui n’hésitent pas à éliminer les réseaux de drogue par des frappes aériennes sans procès.

De son côté, le président du Conseil judiciaire de Constantine, Azeddine Arfi, a affirmé que l’Algérie fait face à une augmentation dangereuse et préoccupante de la promotion de toutes sortes de drogues, ce qui constitue une menace directe pour la sécurité nationale et sanitaire. Il a expliqué que la situation relève d’une forme de guerre de cinquième génération ciblant la jeunesse, non pas par des armes classiques, mais via des réseaux criminels infiltrant la société pour l’affaiblir de l’intérieur.

Arfi a révélé que les frontières du sud-est sont devenues une principale voie d’entrée des psychotropes, tandis que les frontières du sud figurent parmi les routes les plus utilisées pour le trafic de drogues dures telles que la cocaïne et l’héroïne. Il a précisé que les condamnés dans ces affaires sont soumis à un suivi médical pouvant aller jusqu’à un an pour assurer leur réhabilitation, l’administration pénitentiaire étant tenue de mettre en œuvre des programmes anti-drogue en coordination avec les autorités judiciaires et les institutions spécialisées.

Concernant la répression, il a souligné que le Code pénal durcit les sanctions pour les crimes liés à la drogue, notamment lorsque ceux-ci sont commis à proximité d’établissements scolaires ou visent des mineurs ou des personnes vulnérables. Les peines varient entre 20 et 30 ans, et peuvent aller jusqu’à la peine de mort lorsque l’infraction est commise à l’intérieur ou près d’un établissement éducatif ou de formation.

Arfi a ajouté que la loi n° 25-03 renforce encore davantage les sanctions contre les personnes impliquées dans la production ou la promotion de drogues synthétiques dures et de substances chimiques introduites illégalement. La peine est portée à la peine capitale si la peine initiale est la perpétuité, et à la perpétuité pour les condamnés récidivistes dont les peines variaient initialement entre 20 et 30 ans. Les sanctions complémentaires sont également doublées en cas de crimes associés.

Il a également indiqué que les nouvelles dispositions légales autorisent le retrait de la nationalité algérienne acquise pour les auteurs de crimes graves liés à la drogue, en plus de l’obligation pour la justice de prononcer une interdiction de résidence permanente en cas de condamnation pour crime de stupéfiants, et une interdiction temporaire en cas de délit. Dans le cadre de la lutte contre les grands réseaux criminels, la loi permet aussi l’ouverture d’enquêtes financières nationales et internationales pour traquer les sources de fonds des suspects et des barons, avec activation des mesures de saisie conservatoire et d’interdiction de voyager jusqu’au prononcé des jugements définitifs.

En conclusion, le président du Conseil judiciaire a souligné que ce nouveau cadre légal constitue une avancée majeure dans la lutte contre ce fléau, en combinant répression sécuritaire et politiques préventives et sociales. Il a également révélé que les services de sécurité spécialisés ont détecté, au cours d’une enquête, une activité criminelle grave impliquant l’introduction de monnaie nationale contrefaite et cryptée dans les circuits du commerce dans plusieurs wilayas, visant à déstabiliser le marché national — une menace aussi grave que le trafic de drogue.