Les propos tenus samedi par le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Mounder Bouden, accusant le "comportement imprudent et la passivité de certains responsables politiques dans les années 1990" d’avoir permis l’infiltration d’idées extrémistes en Algérie, ont suscité des interprétations politiques. Plusieurs observateurs y ont vu une allusion à certains partis islamistes dont les projets politiques étaient influencés, voire inspirés, par des mouvements internationaux à référent religieux. Ces déclarations ont déclenché ce qui s’apparente à une joute verbale indirecte avec le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), dont le président, Abdelali Hassani Cherif, a réagi de manière implicite.
Lors d’un meeting populaire organisé samedi matin dans la wilaya de Jijel, Bouden a affirmé, sur un ton engagé, que son parti "rejette toutes les idées extrémistes, même les plus anodines, qui cherchent à ramener l’Algérie en arrière", insistant sur le fait que "les Algériens sont attachés à leur identité et savent parfaitement qui ils sont". Il a appelé les porteurs de ces idées à "les garder dans les frontières de leurs propres pays".
Bouden a attribué la responsabilité de la crise des années 1990 à "l’imprudence de certains responsables politiques de l’époque, ainsi qu’à la légèreté et l’inaction d’autres", ce qui, selon lui, a ouvert la voie à la pénétration d’idéologies extrémistes dans le pays. Il a néanmoins souligné que beaucoup de ces acteurs ont eux-mêmes été victimes de cette période sombre.
Quelques heures après ces déclarations, Abdelali Hassani Cherif, lors d’une session de formation à Mascara pour les cadres du MSP, a tenu un discours qui semble répondre directement à celui de Bouden. Il a défendu le projet de son mouvement en affirmant qu’il "n’est ni étranger, ni importé, ni au service d’intérêts autres que ceux de la nation", mais qu’il s’agit d’un projet "fondé sur les constantes et les valeurs nationales".
Le fait que des figures du MSP aient réagi indirectement à ces propos indique clairement que la formation islamiste s’est sentie visée. Un dirigeant influent du parti a d’ailleurs publié – puis supprimé – un message sur Facebook adressé implicitement à Bouden "Au politicien qui s’invite dans la scène : pour ne pas être qualifié d’adolescent politique, je te conseille d’éviter ce genre de batailles qui ont mis en échec des hommes plus puissants que toi."
Bien que ni le RND ni le MSP ne se soient nommément attaqués, le ton des réactions, les termes utilisés et le timing des déclarations laissent peu de doute : un échange polémique indirect s’est bel et bien instauré entre Bouden et Hassani Cherif, ravivant les clivages idéologiques du paysage politique algérien des années 1990.
Cherif a également précisé que le projet du MSP vise à "former des militants, des citoyens et des familles vertueuses, dans le but de construire un jour un gouvernement vertueux", soulignant l’importance accordée par le parti à la formation politique et éthique de ses cadres, dans le cadre d’un projet de société fondé sur l’identité, les valeurs et la pensée nationale.
De son côté, Bouden a puisé dans le lexique politique des années 1990, en s’attaquant aux projets islamistes comparables à ceux de certains mouvements transnationaux comme les Frères musulmans, renouant ainsi avec le discours traditionnel des anciennes figures du RND.
Ces échanges, accompagnés de commentaires et publications sur les réseaux sociaux de partisans des deux camps, ont ravivé les tensions historiques entre les nationalistes et les islamistes, deux courants majeurs de la scène politique algérienne depuis la fin du monopartisme et l’instauration du pluralisme politique en 1989.
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