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Procès des "Témoins de Jéhovah" : l’Algérie répond à des rapporteurs onusiens

Les cinq membres, dont deux Français (l’un résidant en Algérie), avaient été condamnés en mars dernier

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Le gouvernement algérien a affirmé que le procès de membres d’une cellule missionnaire affiliée à la secte dite des « Témoins de Jéhovah », dont deux ressortissants français arrêtés en mai 2024 à Tizi Ouzou pour des faits de prosélytisme, s’est déroulé dans le strict respect des garanties légales et des droits garantis par la Constitution et le Code de procédure pénale.

Dans sa réponse datée du début juillet aux préoccupations formulées par les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la liberté de réunion pacifique, les droits des minorités, et la liberté de religion ou de conviction, en date du 1er mai dernier, le gouvernement a souligné qu’aucun recours ni plainte n’avait été enregistré de la part des condamnés ou de leur défense concernant une quelconque violation de procédure.

La même réponse précise que, suite à la confirmation en appel du jugement de première instance, les passeports des intéressés seront restitués par les services de sécurité de la wilaya de Tizi Ouzou, en préparation de leur expulsion du territoire national, dans le respect des procédures administratives en vigueur. Elle indique également que la procédure d’expulsion administrative sera entamée à leur encontre conformément aux textes réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Algérie, et que la décision d’éloignement sera exécutée par un renvoi vers la frontière, sous escorte sécuritaire, afin de garantir la pleine exécution de la décision judiciaire.

Les cinq membres de cette cellule, dont deux Français (l’un résidant en Algérie), avaient été condamnés en mars dernier par un tribunal de Tizi Ouzou à deux ans de prison ferme et une amende de 100 000 dinars algériens chacun, pour les chefs d’inculpation d’incitation à embrasser une religion autre que l’islam et d’atteinte à l’unité nationale, conformément à l’article 11 de la loi encadrant l’exercice des cultes non musulmans, et à l’article 79 du Code pénal.

Le dossier de l’affaire mentionne que les services de sécurité avaient reçu un signalement concernant un citoyen français soupçonné d’avoir formé une cellule chrétienne affiliée aux “Témoins de Jéhovah”. Les investigations ont permis d’identifier ce ressortissant, qui était commerçant, à la tête d’une entreprise spécialisée dans l’enseignement des langues étrangères basée à Oran.

Selon la réponse algérienne, cet individu s’est déplacé dans plusieurs localités de la wilaya de Tizi Ouzou — Boghni, Draâ Ben Khedda, Larbaâ Nath Irathen, Azazga, Tizi Rached, Bouzeguène — accompagné de son associé, un membre actif de l’organisation des Témoins de Jéhovah, présente aux États-Unis, en France et en Afrique du Nord.

Il a été constaté que l’accusé était en contact avec plusieurs chrétiens, dont un Franco-algérien, et que sa présence en Algérie faisait partie d’une mission qui lui aurait été confiée par les dirigeants de cette secte, qualifiée par les autorités de radicale et agissant dans la clandestinité.

Les autorités affirment également que le mis en cause a dissimulé ses activités religieuses sous couverture commerciale, à travers son entreprise à Oran — une méthode déjà utilisée par d’autres missionnaires étrangers.

Les cinq suspects ont été présentés devant le procureur de la République près le tribunal de Tizi Ouzou le 2 juin 2024, où les mêmes chefs d’inculpation leur ont été notifiés. Le juge d’instruction a alors décidé de les placer sous contrôle judiciaire et de confisquer leurs passeports.

Le 22 octobre 2024, le tribunal a prononcé une condamnation à deux ans de prison ferme et une amende de 100 000 DZD, ainsi que la restitution des documents saisis. Ce jugement a été confirmé en appel le 11 mars 2025 par la Cour de Tizi Ouzou.

En réponse aux inquiétudes exprimées par les rapporteurs onusiens au sujet de l’état de santé des accusés, la partie algérienne a assuré que les intéressés n’avaient pas été incarcérés et qu’aucune plainte n’avait été enregistrée quant à leurs conditions. Elle a affirmé être prête à fournir toute information complémentaire à ce sujet.

Par ailleurs, l’Algérie a refusé de commenter certaines remarques récurrentes formulées par les rapporteurs dans les précédents rapports du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, notamment celles concernant l’usage des lois anti-prosélytisme pour poursuivre des individus exerçant simplement leur liberté religieuse, et les allégations de procès inéquitables non conformes aux normes internationales du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en particulier ses articles 18 et 19.

Les Témoins de Jéhovah en bref

Les Témoins de Jéhovah sont un mouvement chrétien non trinitaire qui ne reconnaît pas les autres courants chrétiens. Ils préfèrent être désignés sous le nom de « Témoins de Jéhovah » pour se distinguer des autres églises.

Le mouvement est né dans les années 1870 en Pennsylvanie, aux États-Unis, sous l’impulsion de Charles Taze Russell. D’abord simple groupe d’étude biblique, il devient ensuite le mouvement des Étudiants de la Bible, avant de prendre sa forme actuelle.

Ils sont connus pour leurs forts liens communautaires sans barrières ethniques ni nationales, leur prosélytisme actif (notamment en faisant du porte-à-porte pour proposer des cours gratuits sur la Bible), et leur refus de célébrer certaines fêtes, comme Noël.