Monde

La France s'enfonce dans les crises

Appels à la grève et à une "fermeture totale" les 10 et 18 septembre

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Le Premier ministre français se présente, aujourd'hui, devant les députés de l’Assemblée nationale pour présenter le projet de budget 2026. À cette occasion, il soumettra son gouvernement à un vote de confiance. Tous les indicateurs laissent penser qu’il pourrait en sortir affaibli, voire désavoué, comme l’ont annoncé les partis de l’extrême droite (Rassemblement national) et de l’extrême gauche (La France insoumise). En cas de chute, le président Macron devra nommer un sixième chef du gouvernement depuis sa réélection en 2023, ce qui reflète une profonde instabilité institutionnelle, au moment même où les crises économiques et sociales s'aggravent et où la rue se prépare à manifester massivement le 10 septembre.

Dans un geste inattendu, sous la pression politique et populaire, le Premier ministre François Bayrou a annoncé qu’il soumettrait son gouvernement à un vote de confiance, en raison d’un projet de réduction budgétaire de 43,8 milliards d’euros destiné à faire baisser le déficit colossal de la France. Parmi les mesures controversées : la suppression de deux jours fériés et le gel des dépenses publiques. Ces annonces ont amplifié le rejet dont souffre son gouvernement, qui repose sur une majorité relative et un Parlement divisé en trois blocs hostiles : un front de gauche, une coalition de centre-droit, et l’extrême droite — résultat des élections de juillet 2024.

Emmanuel Macron est largement tenu responsable de cette situation, pour avoir provoqué des élections législatives anticipées qui ont fait perdre à son parti la majorité, plongeant une France déjà épuisée socialement et économiquement dans une zone de turbulences sans fin.

Cette nouvelle crise politique s’inscrit dans un climat général de défiance envers la classe politique. Selon un sondage publié mercredi, 90 % des Français estiment que les responsables politiques n’ont pas su répondre efficacement aux problèmes du pays.

Andrew Smith, spécialiste de l’histoire contemporaine de la France à l’université Queen Mary de Londres, explique « Si le gouvernement tombe le 8 septembre, les gens auront le sentiment, le 10 septembre, que la rue est le seul endroit où l’on peut encore faire de la politique. Les manifestations seront plus puissantes, car elles se tiendront en pleine crise politique manifeste. »


Colère généralisée et appel à "tout fermer"


Le vote de confiance aura lieu deux jours avant le 10 septembre, date choisie par le mouvement « Fermons tout », lancé sur les réseaux sociaux avec l’intention de paralyser le pays. À l’origine de ce mouvement : une situation sociale et économique jugée intenable, rappelant de plus en plus le scénario grec. En effet, la France a terminé l’année 2024 avec un déficit de 5,8 % du PIB, l’un des plus élevés de la zone euro, et une dette publique de 113 %, parmi les pires également.

Depuis le début de l’année 2025, la France a déjà dépensé 67 milliards d’euros en seuls intérêts sur la dette. Si le rythme se maintient, la facture pourrait atteindre 100 milliards d’euros (114,7 milliards de dollars) l’an prochain.

Parallèlement, la précarité s’étend. Selon un rapport publié par l’INSEE, près de 10 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, un chiffre qui a augmenté de 700 000 personnes en un an. L’INSEE indique que le taux de pauvreté a atteint 15,4 % en 2023, son niveau le plus haut depuis le début du recensement moderne en 1996 — soit environ 9,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, ce qui représente 15 % de la population française.

Face à cette situation alarmante et à une crise politique sans précédent, les initiateurs du mouvement appellent à une « fermeture totale et illimitée du pays le 10 septembre ». Cette mobilisation, multiforme et difficile à anticiper dans son ampleur, rassemble divers acteurs non affiliés à des partis mais souvent proches de la gauche, comme les gilets jaunes, des militants de La France insoumise, ou encore des syndicats comme la CGT, qui appelle à une grève nationale ce jour-là.

Un deuxième jour de grève générale et de manifestations est prévu le 18 septembre, à l’appel des syndicats. Cette dynamique rappelle les grandes mobilisations des gilets jaunes de 2018, qui avaient secoué la France en réaction à la hausse des prix des carburants, dans un contexte de fort sentiment d’injustice sociale.

Ces prochaines journées de mobilisation (10 et 18 septembre) pourraient représenter un coup fatal pour Emmanuel Macron et faire basculer la France dans une nouvelle spirale de violences entre manifestants en colère et forces de l’ordre. La situation pourrait être exacerbée par la présence à la tête du ministère de l’Intérieur de Bruno Retailleau, une figure connue pour ses positions radicales, autoritaires et souvent jugées agressives, ce qui a déjà contribué à rendre l’attitude des forces de police plus brutale — et promet, en retour, des réactions violentes de la part des manifestants.