Le retour à la normale des relations entre l'Algérie et l'Espagne, illustré davantage hier par la visite du Premier ministre Nadir Larbaoui pour participer à une conférence sur le financement du développement, constitue une évolution naturelle imposée par le réalisme pragmatique. Ce retour est dicté par l’histoire commune des deux pays, leur statut d’acteurs majeurs dans la région méditerranéenne, ainsi que les intérêts économiques et sécuritaires partagés.
Les relations bilatérales entre l’Algérie et l’Espagne ont connu, au cours de l’année en cours, une dynamique croissante après une période de crise aiguë entre 2022 et 2024. Cette crise avait été déclenchée par la position inattendue du chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez sur la question du Sahara occidental — une position qui avait même surpris ses partenaires au sein du gouvernement.
L’Algérie avait réagi à la déclaration de Pedro Sánchez, en mars 2023, dans laquelle il affirmait que l’autonomie était la seule solution pour le Sahara occidental et reconnaissait la souveraineté du Maroc sur ce territoire, marquant ainsi un revirement injustifié de la position historique de l’Espagne. Ce changement est d’autant plus controversé que l’Espagne est l’ancienne puissance coloniale de la région et, en vertu du droit international, en reste la puissance administrante. De plus, elle est membre du groupe des amis du Sahara occidental à l’ONU, chargé de l’élaboration des résolutions sur ce dossier.
L’Algérie avait jugé cette prise de position dangereuse et préjudiciable au processus de règlement du conflit et à la stabilité régionale. En conséquence, elle avait rappelé son ambassadeur à Madrid, suspendu le traité d’amitié et de bon voisinage signé en 2002, et imposé des restrictions économiques sévères.
Ces décisions ont eu un impact négatif sur les relations bilatérales, notamment pour les opérateurs économiques espagnols, tandis que l’Espagne a perdu des projets énergétiques que l’Algérie prévoyait de lancer avec elle. Face à cette situation, des voix se sont élevées en Espagne, dans l’opposition, au sein du Parti Populaire, et dans la rue, pour demander au Premier ministre de reconsidérer ses positions.
Par la suite, plusieurs responsables espagnols, dont le ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares, ont affirmé que la solution devait être trouvée sous l’égide des Nations Unies, et que les protagonistes des négociations étaient le Maroc et le Front Polisario.
Ces nouveaux éléments de langage ont contribué à détendre la situation, et Albares a exprimé au début de l’année 2023 la volonté de son pays de restaurer la chaleur des relations avec l’Algérie, dans un esprit d’amitié entre les deux peuples. Cela coïncidait avec l’annonce par l’Algérie de son intention de renvoyer son ambassadeur à Madrid.
La prise de conscience par l’Espagne de l’importance stratégique de ses liens avec l’Algérie a été renforcée par le rôle décisif joué par l’Algérie dans la libération de l’otage espagnol Joaquim Navaro Canada, enlevé à la frontière algéro-malienne. Albares a alors remercié l’Algérie et souligné le soutien de l’Espagne au rôle de l’Algérie dans la stabilité du Sahel.
Au-delà de la nécessité pour les deux pays de normaliser et développer leurs relations, en raison de leur position géographique et de leur influence en Méditerranée occidentale, ce rapprochement peut relancer une coopération bénéfique, tant bilatérale que pour l’ensemble de la région. Les visites mutuelles entre les responsables des deux pays devraient donner un nouvel élan à cette dynamique au cours des deux prochaines années.
La coopération algéro-espagnole ne se limite pas aux questions bilatérales : elle s’étend également aux enjeux internationaux, comme la cause palestinienne. L’Espagne est connue pour sa position avancée en faveur du peuple palestinien, notamment dans le contexte actuel de génocide à Gaza, ce qui pourrait avoir favorisé un rapprochement entre les deux pays.
En politique, il n’y a ni ami éternel ni ennemi éternel. Après une crise profonde, les relations entre l’Algérie et l’Espagne semblent aujourd’hui se rééquilibrer, ce qui aura des effets positifs non seulement pour les deux pays, mais aussi pour l’ensemble de la région.
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