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"La géolocalisation du téléphone ne constitue pas une preuve justifiant la détention du cadre consulaire en France"

Après la persistance des services français à cibler les institutions algériennes et leurs cadres opérant sur l'ensemble du territoire

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Le 12 avril dernier, les autorités judiciaires françaises ont arrêté un employé consulaire algérien exerçant sur le territoire français et l’ont placé en détention provisoire, l’accusant d’être impliqué dans une tentative d’enlèvement d’un blogueur algérien réfugié en France. Cet acte a provoqué la colère d’Alger, qui a vivement protesté contre cette mesure, rejetant catégoriquement les justifications avancées par le parquet national antiterroriste français pour appuyer ses accusations à l’encontre de l’agent algérien.

Dans le contexte de la persistance des services français à cibler les institutions algériennes et leurs cadres opérant sur le territoire français, dans une mise en scène digne d’un "thriller d’espionnage à la James Bond" à travers la diffusion d’"enquêtes médiatiques" visant l’appareil diplomatique algérien, l’expert en informatique Karim Khelouati n’a pas exclu, dans une déclaration au journal El Khabar, que les services de sécurité français suivent des "indications et preuves" pouvant être utilisées dans des scénarios fabriqués, dans le but de nuire à la réputation de l’Algérie ou de la déstabiliser et l’exposer à des pressions.

Commentant l’affaire de l’incarcération du cadre consulaire le mois dernier, sur la base de prétendues découvertes de communications téléphoniques à proximité de la résidence du blogueur recherché par la justice algérienne, "Amir DZ" (à Paris), l’expert en cybersécurité a mis en garde contre les dangers d’un recours excessif aux techniques de localisation géographique des téléphones mobiles (le bornage) comme élément de preuve dans les affaires sensibles.

Il a déclaré que "la géolocalisation d’un téléphone n’est pas une preuve concrète, mais plutôt un outil qui peut être utilisé dans un récit bien construit visant à saper la confiance dans les figures d’autorité et à semer la confusion dans l’opinion publique."

Il a expliqué que certains acteurs peuvent recourir à un "croisement des localisations" entre les téléphones de personnes ciblées et d’autres soupçonnées dans des affaires criminelles pour donner l’impression d’un lien, alors que cette coïncidence peut être complètement artificielle.

"Il suffit que quelqu’un soit assis à proximité d’une personne ciblée, dans un café ou un magasin, pour que les opérateurs enregistrent la présence des deux téléphones au même endroit. Ces données peuvent ensuite être utilisées dans un scénario préétabli qui, réactivé un an plus tard, pourrait être présenté comme une preuve technique difficile à contester " a-t-il poursuivi.

Khelouati a indiqué que de telles pratiques relèvent de ce qu’il a qualifié de "technique de la capsule temporelle", où des données sont collectées sur une longue période pour être utilisées plus tard dans une mise en scène visant à accuser ou discréditer.

"Nous devons être prudents face à ce qui est présenté comme des preuves techniques. La persuasion fondée sur la répétition et l’influence sur la perception collective ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une vérité absolue " a-t-il conclu.

Dans une explication technique de la possibilité de falsification de preuves à travers la pose de bornes via téléphone, ou ce qu’il appelle le "fonctionnement naturel des bornes", l’expert a expliqué que les dispositifs de sécurité technique peuvent faire appel aux opérateurs téléphoniques pour enregistrer en continu l’emplacement approximatif des communications via les antennes relais (triangulation), ainsi qu’en fonction de la puissance du signal entre le téléphone et les différentes antennes. Il est également possible d’utiliser les données du système de positionnement global (GPS), qui présentent une précision variable (de 100 mètres à plusieurs kilomètres en zone urbaine).

En ce qui concerne la falsification de preuves, il a évoqué plusieurs méthodes techniques pouvant mener à des associations géographiques erronées, comme les attaques de proximité physique. Il a également mentionné la possibilité que des individus porteurs de téléphones "marqueurs" coopèrent avec les services de sécurité en se plaçant volontairement à moins de 200 mètres de la personne visée, à plusieurs reprises, entre autres techniques destinées à incriminer techniquement des cibles dont les communications apparaissent dans les registres électroniques téléphoniques.

Parmi les autres techniques mentionnées dans ce type d’affaires sensibles figure aussi l’usurpation d’identité du suspect ou l’usage de dispositifs de capture tels que "Stingray", capables de cloner temporairement l’identifiant unique d’un téléphone afin que ses communications apparaissent dans les mêmes cellules téléphoniques que celles des suspects. L’expert n’a pas non plus écarté la possibilité de manipulation des registres des opérateurs ou d’intrusion dans les systèmes locaux (dans la zone de présence du cadre consulaire algérien) pour ajouter des entrées aux bases de données d’appels et aux journaux de détails des communications, voire de modifier les horodatages ou les identifiants des cellules dans les métadonnées, ou encore d’exploiter des vulnérabilités techniques connues.

Dans ce genre d’affaires à "arrière-plan politique", selon l’intervenant, il est à prévoir que des manipulations de données de géolocalisation aient lieu, sachant que la proximité géographique ne prouve ni une rencontre physique, ni un contact direct, sans parler de la collusion entre les parties impliquées.