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Les Émirats veulent "exploiter les informations" de leur ambassadeur sur l’Algérie

La conjoncture politique tendue entre l’Algérie et les pays du Sahel a placé les visites de l’ambassadeur des Émirats arabes unis en Algérie dans ces pays, au sein d’une délégation de haut niveau, en situation de violation des usages diplomatiques.

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La conjoncture politique tendue entre l’Algérie et les pays du Sahel, notamment avec la République du Mali, a placé les visites de l’ambassadeur des Émirats arabes unis en Algérie dans ces pays, au sein d’une délégation de haut niveau, dans une posture de violation des usages diplomatiques. Et ce, d’autant plus que le diplomate du Golfe n’a pas été officiellement relevé de ses fonctions, son absence ayant été justifiée depuis environ un an pour congé maladie, selon des sources officielles et non officielles.

Sur la base des usages diplomatiques et de l’éthique politique, il apparaît — selon une lecture présentée par Osama Bouchmakh, professeur en sciences politiques — que l’ambassadeur émirati en Algérie s’est affranchi de toutes les valeurs qui régissent son rôle de diplomate et de politique, en quittant le pays hôte sous prétexte de maladie, tout en apparaissant parallèlement au sein d’une délégation de haut niveau dans des pays du Sahel où les relations avec l’Algérie se sont récemment dégradées.

L’analyste politique, joint par le quotidien El Khabar ce jour, estime que ces comportements indiquent que les Émirats arabes unis cherchent à exploiter les informations stratégiques accumulées par leur ambassadeur au fil des années passées en Algérie, notamment dans les domaines économiques.

Dans le même contexte, les Émirats mènent une offensive médiatique contre l’Algérie dans ces pays, selon Bouchmakh. Ils auraient alloué 15 millions de dollars pour financer des campagnes médiatiques à travers l’achat de parts dans des médias français et africains actifs dans les pays du Sahel.

Bouchmakh considère que la visite de l’ambassadeur constitue également un facteur facilitant les initiatives émiraties, qui consisteraient, selon des sources occidentales, à investir près de 50 milliards de dollars dans la construction d’infrastructures et dans le renforcement des relations avec les pays voisins du Sahel, le Maroc, et jusqu’à la Libye. Il évoque aussi des tentatives de transfert et de soutien d’activités de mercenaires, tout en soulignant des preuves d’activités émiraties visant à déstabiliser le tissu social en Algérie.

Cette visite, selon lui, corrobore toutes les accusations formulées par l’Algérie contre ce diplomate, puisqu’il porte toujours le titre d’ambassadeur des Émirats en Algérie, ce qui lui interdit, du point de vue éthique et diplomatique, de participer à une délégation de haut niveau dans des pays hostiles à l’Algérie.

Interrogé sur les déclarations officielles des Émirats selon lesquelles la visite viserait à renforcer la coopération sécuritaire et économique entre Abou Dhabi, Bamako, Ouagadougou et Niamey, Bouchmakh y voit plutôt une tentative de créer une nouvelle dynamique régionale dans le Sahel après l’escalade verbale de ces pays contre l’Algérie. Il rappelle que le conflit a généré une situation sociale difficile au Mali, que les Émirats tentent d’exploiter, en coordination avec le régime marocain, afin d’encercler et de frapper l’Algérie par des moyens détournés.

Selon lui, ces manœuvres servent la junte militaire malienne, en quête de légitimité après avoir dissous les partis politiques et fait face à un rejet politique.

Dans ce contexte, la junte cherche à gagner l’adhésion de la population en s’appuyant sur une coopération économique accrue avec les Émirats, espérant ainsi faire taire les revendications citoyennes et de la société civile. Il mentionne aussi la création d’un système régional sous parrainage russe, sans négliger le rôle complémentaire des Émirats, notamment dans le financement de l’achat d’armes.

Les trois régimes justifient leur alliance avec Moscou et Abou Dhabi par l’intensification des opérations terroristes, et le soi-disant "renforcement de la coopération sécuritaire" est en réalité un mécanisme de garantie pour l’acquisition d’armes russes, visant à établir de nouveaux rapports de force dans la région.

Toutsfois, Bouchmakh écarte la possibilité que cette stratégie soit fructueuse, à cause de contraintes géographiques et historiques, en s’appuyant sur les expériences passées.