Société

Récit du "décès" d’une gendarme franco-algérienne dans une caserne en France

14 ans plus tard, la justice française n’a toujours pas rouvert le dossier.

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Ph: Hamza Kali "Elkhabar"
Ph: Hamza Kali "Elkhabar"

Après quatorze années de silence, l’histoire de la “mort” de la gendarme franco-algérienne Meriem Sakhri, survenue en 2011 dans sa caserne à Lyon, refait surface.

L’affaire, longtemps étouffée, trouve aujourd’hui un nouvel écho grâce à Fadila Sakhri, sa sœur, qui a décidé de briser le silence et de raconter ce qui s’est réellement passé, à travers un livre-témoignage bouleversant.

Meriem avait été retrouvée gisant au sol, atteinte d’une balle au foie, à l’intérieur de la caserne où elle travaillait. Selon Fadila, tout a été fait pour faire taire la vérité et présenter la mort de sa sœur comme un suicide, alors que les circonstances réfutent cette thèse..

L’auteure raconte avoir longtemps cherché une maison d’édition française pour publier son ouvrage, sans succès. Les refus se sont accumulés, explique-t-elle, à cause de la sensibilité du contenu et des accusations graves qu’il contient. Ce n’est qu’en Algérie que les éditions Dar El-Hikma, dirigées par Ahmed Madi, ont accepté de publier le livre et de l’accueillir au Salon international du livre d’Alger.

Dans son entretien accordé au journal El Khabar, Fadila Sakhri revient avec douleur sur le drame :« Notre vie était paisible à Lyon, entourée d’amour et de stabilité. Tout a basculé lorsque Meriem a décidé de dénoncer des pratiques racistes qu’elle avait constatées à l’intérieur de la caserne. »

Interrogée sur la nature de ces pratiques, elle précise :« Certains appels au 17, le numéro d’urgence, étaient traités avec mépris et racisme dès qu’on réalisait que l’appel venait de citoyens d’origine maghrébine. »

Indignée, Meriem décida d’alerter sa hiérarchie et de demander des sanctions contre les auteurs de ces agissements. À partir de ce moment, elle devint la cible d’un harcèlement continu.

Le livre décrit les pressions, insultes, et provocations qu’elle subissait, ainsi qu’un travail de démolition psychologique mené de manière méthodique par certains responsables.

Les tensions s’aggravèrent lorsqu’un colonel, nommé Guimard, l’accusa d’avoir utilisé une base de données interne pour aider une mère à retrouver sa fille disparue. L’objectif, selon sa sœur, était de l’intimider et de la pousser à la faute.

Quelques mois plus tard, la famille reçut un appel tragique : Meriem s’était officiellement  “suicidée”.

Le choc fut immense. Les responsables de la caserne affirmèrent qu’elle avait laissé des textes religieux et une lettre d’adieu, et qu’une analyse de sang révélait 1,8 g d’alcool.

Mais Fadila, en découvrant les lieux, constata plusieurs incohérences : la nature de la blessure mortelle ne correspondait pas à la thèse du suicide, et aucune trace de bouteilles d'alcool n’avait été trouvée à son domicile.

Le livre s’est interrogé sur la véracité des résultats de l’enquête et de l'exploitation d'un ancien épisode de dépression pour justifier la version du suicide, alors que Meriem attendait une promotion et se portait bien.

Jusqu’à ce jour, aucune procédure judiciaire n’a été ouverte, et le dossier reste classé comme un “suicide”. Cependant, des informations non-officielles évoquent la possibilité d’une réouverture prochaine de l’enquête.

Fadila Sakhri révèle également avoir subi des pressions et des tentatives d’intimidation après la sortie du livre, notamment en France.

Des journalistes, dont certains de l’émission TPMP animée par Cyril Hanouna, ou du pmagazine Détective, l’avaient contactée… mais ont finalement traité l'affaire de manière incomplète sans donner la parole à Fadila ni parler de son livre-enquète.

Finalement, c’est grâce au soutien d’Ahmed Madi, éditeur algérien, que le livre a vu le jour et a pu être présenté au public.

La famille Sakhri, elle, ne s’est jamais remise de la perte de Meriem.

Quatorze ans après, la douleur demeure, tout comme l’espoir de connaître un jour la vérité, celle d’une sœur qui voulait simplement défendre la justice et la dignité humaine.