Le phénomène des bandes de quartiers revient au centre du débat et sape le sentiment de sécurité dans la société, après une série d'actes de violence répétés dans plusieurs villes algériennes, dont l’affaire marquante de la séquestration et de la torture d’un jeune homme dans une ville de la wilaya de Tipaza, survenue il y a environ trois jours.
Et ce, malgré l’ordonnance n°20-03 de l’année 2020, qui vise à prévenir l’expansion de ces bandes et à les combattre. Ces dernières – composées essentiellement de jeunes, d’adolescents et de certains récidivistes – trouvent un terrain favorable dans les quartiers anarchiques, les zones urbaines fragiles et les nouveaux ensembles résidentiels surpeuplés, où elles mènent des activités organisées allant de l’imposition de leur autorité par la violence et les luttes de territoire, jusqu’à la vente de drogues et de substances psychotropes. Cela en fait une menace réelle à la paix sociale, frappant directement la sécurité communautaire, d’autant plus que ce phénomène cible principalement les forces vives de la société et trouble la quiétude des familles.
Malgré la rigueur des textes juridiques adoptés par l’État il y a environ cinq ans pour faire face aux bandes de quartiers, le volet répressif sur le terrain souffre encore d’une faiblesse manifeste, révélant un dysfonctionnement en matière de coordination et d’efficacité entre les forces de sécurité, les autorités locales et la société civile.
De nombreuses zones connues pour être des foyers récurrents de violence et de trafic de drogues persistent, voire deviennent de plus en plus dangereuses chaque jour, sans qu’une intervention efficace et permanente ne permette de démanteler ces réseaux ou de tarir leurs multiples sources d’approvisionnement, en tête desquelles figurent les drogues, les psychotropes, et la complicité du milieu familial et voisinage officiel ou officieux.
Une question légitime se pose ici : à quoi servent les lois si elles ne sont pas appliquées de manière rigoureuse sur le terrain, accompagnées d’un suivi informatif précis permettant d’anticiper les crimes, au lieu d’attendre la diffusion de vidéos pour les documenter, suivie de courses-poursuites parfois spectaculaires.
L’absence d’une présence sécuritaire massive, intelligente et soutenue par des actions de sensibilisation, combinée à un déficit de surveillance dans certains nouveaux ensembles résidentiels, a donné aux bandes un sentiment d’impunité. Cela constitue un échec opérationnel grave, vidant les efforts législatifs ainsi que les orientations présidentielles et gouvernementales de leur substance, et laissant les citoyens face à la terreur, comme en témoignent les tentatives de nombreux habitants d’urbanisations à clôturer leurs quartiers de manière anarchique, altérant l’esthétique urbaine.
La nouvelle ordonnance promulguée en 2020 a fourni une définition précise des bandes de quartiers, les qualifiant comme tout groupe de deux personnes ou plus cherchant à instaurer un climat d’insécurité ou à imposer leur autorité sur les habitants par des agressions physiques ou morales, avec port ou usage d’armes blanches. Elle a également élargi la notion d’agression morale pour inclure les atteintes psychologiques et les menaces, permettant ainsi aux autorités de poursuivre les membres de ces bandes même en l’absence d’agression matérielle directe.
La loi prévoit des peines sévères allant de 3 à 10 ans de prison et des amendes pouvant atteindre un million de dinars. Ces peines peuvent aller jusqu’à 20 ans de prison pour les chefs de bandes, et la perpétuité si leurs actes causent la mort d'une personne. Toute personne fournissant un soutien à ces groupes – financier, hébergement ou dissimulation – est également passible de 2 à 5 ans de prison.
Malgré cette rigueur juridique, certains quartiers populaires continuent de connaître des scènes de violence répétées, ce qui soulève des interrogations sur l’efficacité de l’application de la loi, malgré les moyens matériels, humains et techniques mobilisés par l’État pour renforcer la couverture sécuritaire.
Par ailleurs, la plupart des grandes villes algériennes ont récemment connu de vastes opérations de relogement ayant concerné la majorité des quartiers précaires, anarchiques et des habitations en tôle vers de nouveaux ensembles résidentiels bâtis récemment selon un modèle urbain basé sur les immeubles. Toutefois, la majorité de ces nouveaux quartiers souffrent d’un manque de couverture sécuritaire adéquate de la part des services de la gendarmerie nationale ou de la police, ce qui aurait permis de préserver la sécurité et la tranquillité. Ce manque a entraîné la montée de phénomènes de violence et d’agressions dans ces ensembles, et l’émergence d’un nouveau mode de criminalité, représenté principalement par des bandes d’adolescents qui cherchent à instaurer un climat d’insécurité dans les quartiers résidentiels ou dans tout autre espace public, dans le but d’en prendre le contrôle à travers des agressions physiques ou morales, exposant les autres à des risques pour leur vie, leur liberté, leur sécurité ou leurs biens, tout en portant ou en utilisant des armes blanches visibles, notamment des couteaux longs atteignant parfois 60 à 80 centimètres.
Les insuffisances restent flagrantes et préoccupantes, malgré le nouveau texte couvrant les différentes formes de criminalité liées aux bandes de quartiers, en adoptant des dispositions renforcées à l’encontre des personnes impliquées et en requalifiant les faits d’infractions mineures (délits) en crimes (crimes majeurs), ce qui traduit une volonté étatique de dissuader ce type de délinquance.
Le ministère de l’Intérieur passe à l’action…
Face à ces développements, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, M. Saïd Sayoud, a souligné lors d’une réunion de cadrage au Palais du gouvernement que la garantie de la tranquillité publique et la sécurité du citoyen constituent une priorité absolue dans l’action sectorielle, en application des orientations du président de la République. Tout en saluant les efforts des services de sécurité dans la lutte contre les manifestations de violence sociale, le ministre a indiqué que la prochaine étape verra la mise en œuvre de mesures de soutien visant à renforcer la présence sécuritaire sur le terrain, et à faire face à tout ce qui pourrait porter atteinte à la sécurité du citoyen et à l’ordre public. Il a également insisté sur l’impératif d’appliquer rigoureusement les lois de la République afin d’assurer la sérénité et la stabilité dans les quartiers et les équipements publics, reflétant ainsi l’engagement de l’État à protéger les citoyens et à préserver la paix sociale.
Le ministre de la Justice met en garde…
Il y a seulement quelques jours, le ministre de la Justice, M. Lotfi Boudjema, a donné des instructions strictes aux présidents des cours et aux procureurs généraux pour endiguer plusieurs crimes et phénomènes dangereux, évoquant la protection de la société à la lumière des dispositions du nouveau code de procédure pénale.
Lors d’une réunion de coordination avec les présidents des cours et les procureurs généraux, le ministre a énuméré les crimes suivis de près par le ministère et les hautes autorités du pays, notamment : le trafic de drogues, les bandes de quartiers, la corruption, le blanchiment d’argent, les infractions aux règlements de change, la spéculation illicite, les agressions contre les citoyens, les atteintes aux biens de l’État, les infractions au code de la route, ainsi que les divers crimes portant atteinte à la sécurité des citoyens et aux ressources de la nation.
Si ce n’était les caméras et les réseaux sociaux
Sans les caméras des téléphones portables et les réseaux sociaux, de nombreux crimes commis dans l’ombre, à l’abri des regards de la justice et de l’opinion publique, seraient restés inconnus. L’objectif du citoyen est ainsi devenu un témoin silencieux mais actif, capturant les événements au moment même où ils se produisent, offrant une voix aux victimes jusque-là inaudibles.
Ces vidéos, qui se propagent en quelques minutes, sont devenues un outil de pression populaire poussant les autorités à agir rapidement, empêchant les agresseurs de s’en tirer à bon compte. Cet espace numérique est ainsi devenu une nouvelle force de signalement et de contrôle, contribuant à dévoiler les faits, à faire éclater la vérité et à identifier les auteurs de ces crimes.
Les bandes exclues de l’amnistie présidentielle
Malgré les tentatives de certains de mettre en avant l’amnistie présidentielle pour justifier le relâchement dans l’endiguement de ce phénomène, ainsi que l’insuffisance du travail de renseignement et d’action de terrain en collaboration avec la société civile, la réalité réfute catégoriquement cet argument. En effet, les personnes condamnées définitivement en vertu de l’ordonnance n°20-03 du 30 août 2020, relative à la prévention et à la lutte contre les bandes de quartiers, sont exclues de l’amnistie présidentielle, ce qui traduit une certaine fermeté dans la lutte contre la violence organisée qui menace la sécurité des citoyens et la stabilité des quartiers.
L’exclusion de l’amnistie reflète une volonté politique de dissuader les comportements criminels, dans la mesure où les crimes des bandes de quartiers ne touchent pas uniquement les individus, mais sapent également le sentiment de sécurité au sein de la société. Cela prive la notion même de “clémence” de toute justification et impose aux autorités compétentes une intervention sur le terrain selon une stratégie rigoureuse et non conjoncturelle, afin d’éviter la propagation du chaos et l’atteinte à l’autorité de l’État et à l’ordre public. Il est également nécessaire d’accompagner cette répression par des politiques sociales et éducatives visant à traiter les causes de l’implication des jeunes dans ces bandes.
Commentaires
Participez Connectez-vous
Déconnexion
Les commentaires sont désactivés pour cet publication.