Société

Marwa Boughachiche…, ou l’innocence doublement assassinée !

Les réseaux sociaux lucratifs sont devenus un théâtre pour inventer les récits les plus abjects, et un point de départ pour des rumeurs « diaboliques » qui enveloppent les crimes et protègent les criminels.

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L’histoire de la petite Marwa Boughachiche s’est tristement achevée, plus d’un mois après sa mystérieuse disparition. Son corps, en état de décomposition avancée, a été retrouvé dans la forêt de Djebel El Wahch, à Constantine. Le parquet de Constantine a confirmé, dans un communiqué publié dimanche soir, que les analyses ADN ont prouvé que le corps retrouvé était bien celui de Marwa, révélant ainsi l’une des affaires criminelles les plus choquantes, marquée par une désinformation massive et des tentatives délibérées de manipulation de la vérité.

Le meurtre brutal et inhumain de la jeune Marwa, âgée de douze ans, a provoqué une onde de choc à travers toute la société algérienne. Une société qui voit aujourd’hui ses enfants devenir des proies faciles pour les prédateurs humains — tueurs, diffuseurs de rumeurs, ou encore ces "enquêteurs extraordinaires" des réseaux sociaux, qui transforment ces plateformes en véritables marchés du déshonneur et de l’exploitation de l’intimité.

Le drame vécu par Marwa et sa famille depuis sa disparition en mai dernier ne peut être considéré comme un simple enlèvement et assassinat sordide. Il mérite qu’on s’attarde sur ses détails et ses graves répercussions sociales. L’affaire a été défigurée par des rumeurs perfides qui ont privé la famille de toute forme de solidarité ou de compassion au moment où elle en avait le plus besoin.

Pourquoi son innocence a-t-elle été tuée ?

Depuis dimanche, les réseaux sociaux reflètent l’ampleur du choc et du traumatisme psychologique causés par l’annonce de la confirmation du décès de Marwa dans ces conditions atroces. Et ce, après les calomnies inqualifiables que la fillette et sa famille ont subies dès les premiers jours de sa disparition. Il ne s’agissait pas de simples erreurs ou de spéculations malheureuses, mais d’une falsification intentionnelle de la vérité et d’une tentative manifeste de salir la réputation d’une enfant innocente. Cela a également eu pour effet de saboter toutes les initiatives citoyennes qui auraient pu permettre de la retrouver vivante ou de la sauver, notamment après l’élan de solidarité nationale qui s’était formé autour de sa disparition, avec même des promesses de récompense par des bienfaiteurs.

Les faits remontent au 22 mai dernier, date à laquelle Marwa a disparu après avoir passé son dernier examen scolaire. Malgré les efforts déployés pour la retrouver, l’espoir de la retrouver vivante diminuait de jour en jour, jusqu’à s’éteindre complètement à cause de la propagation de rumeurs honteuses visant non seulement la victime, mais aussi ses parents. Des accusations lancées par un pseudo-influenceur qui s’est arrogé le droit de juger les autres, voyant dans ce drame une opportunité de profit sur les réseaux sociaux monétisés.

Par respect pour la douleur de la famille Boughachiche et de tous les Algériens, nous n’entrerons pas dans les détails de ces accusations infâmes. Mais il est important de rappeler que la propagation de cette version calomnieuse a rendu un service inestimable au criminel, en brisant l’élan de solidarité populaire autour de la famille endeuillée.

La rumeur est plus grave que le meurtre

Les rumeurs qui ont enveloppé l’affaire Marwa ont directement contribué à l’abandon de la cause par une grande partie de la population. Face à cette tragédie, la famille Boughachiche a vu les gens lui tourner le dos. Les bienfaiteurs ont cessé leurs recherches, la compassion s’est tarie, et le père de Marwa est resté seul, pleurant sa fille tout en affrontant des accusations sordides : espionnage, appartenance à des sectes maçonniques, voire — dans d’autres récits délirants — le sacrifice de sa fille au diable. Ce qui soulève une question douloureuse : comment une société musulmane conservatrice en est-elle arrivée à un tel niveau d’ignorance, de haine et de délire ?

Lorsque des informations ont commencé à circuler la semaine dernière sur la découverte d’un corps féminin en décomposition dans la forêt de Djebel El Ouahch, les spéculations ont repris de plus belle. Les "enquêteurs du net" ont recommencé à tisser des scénarios extravagants, allant d’une fugue à une prétendue affaire de sorcellerie impliquant une "fille zohariya" (dotée de pouvoirs mystiques) enlevée par des sorciers pour des rituels sataniques.

Blocage de TikTok

Malgré tout cela, les Algériens ont réagi avec une immense tristesse et un profond chagrin face à la fin tragique de Marwa. L’opinion publique s’est alors retournée avec colère contre les "marchands de rumeurs" et les instigateurs de désinformation, réclamant les peines les plus sévères à leur encontre. Certains ont même renouvelé l’appel à rétablir la peine de mort contre les assassins et violeurs. D’autres ont appelé les autorités à bloquer en urgence les plateformes sociales à but lucratif, en particulier TikTok, qu’ils accusent de nuire gravement à la société et à ses valeurs.

Ainsi est assassinée l’innocence

L’affaire Marwa, comme tant d’autres affaires similaires — notamment celle de la femme voilée récemment agressée à Sétif, à qui l’on a arraché son niqab suite à une rumeur l’accusant de sorcellerie alors qu’elle attendait sa fille devant une piscine — montre à quel point les plus vulnérables sont devenus les premières cibles d’une société livrée aux langues malveillantes, promptes à accuser, à calomnier, et à détruire des vies. Aujourd’hui, chaque enfant, chaque citoyen algérien peut devenir victime d’exploitation, d’abus, de lynchage ou de violence, tant que l’oreille collective reste ouverte à la rumeur et à la fiction malsaine fabriquée par les démons de l’human