Société

Hausse préoccupante des cas de "burn out"

L’adoption d’un travail à temps partiel adapté afin d’éviter que le travailleur malade soit déclaré invalide à été suggérée

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Des médecins du travail ont alerté, hier, sur le déficit important dans cette spécialité par rapport au nombre croissant de travailleurs dans différents secteurs. Ils ont souligné l’augmentation des cas d’effondrement nerveux et d’épuisement professionnel en milieu de travail, due à des environnements professionnels « malsains ». Ils ont appelé à une révision de la liste des maladies professionnelles, qui ne correspond plus, selon eux, à la nature des maladies modernes, et à la création d’agences de réorientation professionnelle pour prendre en charge les travailleurs souffrant d’un déficit de qualification sanitaire, plutôt que de les transférer directement vers d’autres postes ou de les mettre en invalidité.

 

Dans ce cadre, la présidente du comité d’organisation du Congrès international sur la formation continue des médecins du travail, le professeur Hayat Ben Messaoud, a souligné que le moment était venu de réviser le tableau des maladies professionnelles et d’y ajouter de nouvelles pathologies, après avoir constaté une hausse notable de ces cas ces dernières années.

Lors du colloque organisé à l’École de sécurité sociale à Alger, le professeur Ben Messaoud a précisé que la révision de la liste des maladies professionnelles indemnisables est devenue indispensable face aux transformations du monde du travail et à l’émergence de nouvelles professions. Elle a indiqué que la liste actuelle ne reflète pas les maladies liées aux nouvelles technologies, aux pressions psychologiques ou aux changements climatiques. Des spécialistes en médecine du travail ont soumis une proposition au ministère du Travail pour adapter cette liste afin de mieux protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Le professeur Ben Messaoud a également révélé que la majorité des travailleurs se présentant aux services de médecine du travail se plaignent de troubles psychiques, de pressions psychologiques et de traitements non professionnels de la part des employeurs, ainsi que de cas d’effondrement nerveux et d’épuisement professionnel, qui conduisent souvent à des maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension. Elle a également signalé une augmentation des cas de hernie discale due à la position assise prolongée ou à l’exécution de travaux pénibles, ainsi que des maladies liées à un usage excessif de la technologie, qui ne figurent toujours pas sur la liste des maladies professionnelles indemnisables, bien qu’elles nécessitent une prise en charge urgente.

Parmi les autres propositions, figure l’adoption d’un travail à temps partiel adapté, utilisé dans plusieurs pays, afin d’éviter que le travailleur malade soit déclaré invalide et de réduire la pression sur les finances publiques, en partageant le paiement du salaire entre l’employeur et les caisses de sécurité sociale jusqu’au rétablissement du salarié. Il est également proposé de créer des agences de réorientation professionnelle pour diriger les travailleurs souffrant d’un déficit de qualification sanitaire vers des postes adaptés à leur situation, en s’appuyant sur des grilles professionnelles tenant compte des spécificités de chaque pathologie.

Le professeur Ben Messaoud a rappelé que la couverture sanitaire en médecine du travail reste faible, le nombre de médecins étant insuffisant par rapport à la taille de la main-d’œuvre, poussant de nombreuses entreprises à conclure des accords avec d’autres structures de santé pour prendre en charge leurs travailleurs.

Enquêtes sur les accidents du travail et contrôle des conditions de travail « limités »

Dans le même contexte, les participants au colloque ont convenu que les efforts pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles restent insuffisants ou mal exploités, ce qui rend le renforcement de la sécurité au travail indispensable, notamment dans les secteurs à risque élevé.

Le professeur Chighara, spécialiste en médecine du travail, a indiqué que le nombre de bénéficiaires des indemnités pour accidents du travail a diminué, passant de 249 042 en 2016 à 202 938 en 2023, soulignant que la situation est « relativement stable », mais qu’elle met en évidence la nécessité de développer les programmes de prévention.

Elle a également rappelé un rapport antérieur du ministère du Travail montrant que les enquêtes sur les accidents du travail et le contrôle des conditions de travail restent limités : en 2022, 3 179 enquêtes ont été menées contre seulement 2 059 inspections. Elle a précisé que les services de médecine du travail souffrent d’un manque de ressources et d’équipements de base, ce qui limite l’efficacité de la prévention.

Le professeur Chighara a enfin insisté sur le rôle central des employeurs dans la prévention des risques professionnels, par la formation continue des travailleurs, la création de structures internes de sécurité et de médecine du travail, et l’établissement de partenariats avec des institutions spécialisées, conformément au décret exécutif 02-427 du 7 décembre 2002, qui fixe les conditions d’organisation de la formation des travailleurs en matière de prévention. Ce décret oblige les entreprises employant plus de neuf travailleurs permanents à fournir un médecin du travail, en bénéficiant du soutien de l’Institut national de prévention des risques professionnels et des caisses de sécurité sociale.