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Un documentaire révèle pour la première fois des secrets sur les essais nucléaires français

Un crime contre l'humanité imprescriptible.

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Un documentaire réalisé et présenté par le journaliste Mohamed Mouallem, diffusé hier soir (mercredi) sur la télévision algérienne, a levé le voile sur des informations graves concernant les radiations nucléaires issues des essais nucléaires menés par la France dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966.

Le film dévoile pour la première fois l’ensemble des mesures et démarches entreprises par l’État algérien en lien avec ce crime contre l’humanité, qualifié d'imprescriptible.

Le chimiste Fahd Arbaoui a révélé l’existence d’un plan de mesure des radiations nucléaires dans les zones entourant In Ekker à Tamanrasset — lieu des essais souterrains — et Reggane, où quatre essais atmosphériques ainsi que d'autres expériences au plutonium ont été menés. Il a également souligné que l’Agence nationale pour la réhabilitation des sites d’essais nucléaires s’est chargée de sécuriser les zones concernées et de retirer les matériaux et déchets que les habitants utilisaient autrefois pour fabriquer des objets artisanaux.

Des experts dans les secteurs de l’agriculture et de l’environnement ont été formés pour effectuer des prélèvements et analyser les radiations affectant la végétation et les sols, à l’aide d’un laboratoire mobile entièrement équipé.

Fahd Arbaoui a salué les efforts de l’agence et du ministère de la Défense nationale, notamment la construction de barrières isolant la zone d’In Ekker, qui s’étend sur 38 hectares contaminés par les radiations nucléaires.

De son côté, Boualem Cherchali, directeur central des structures de santé de proximité au ministère de la Santé, a indiqué l’établissement d’une liste de 38 maladies, incluant divers types de cancers, dont quatre directement liés à l’exposition aux radiations nucléaires. Les études ont montré que certaines maladies se transmettent génétiquement d’une génération à l’autre, causant des malformations chez un enfant sur quatre, surtout en cas de mariages mixtes dans la région.

Concernant les mesures prises pour la population locale, il a précisé que « nous avons créé un centre de suivi et de diagnostic des maladies liées aux radiations nucléaires à Aïn Amguel, localité à laquelle appartient In Ekker. Cette zone est aujourd’hui inhabitée. Le centre, équipé d’un scanner, permet un suivi médical assuré par une mission hebdomadaire de médecins spécialisés venant de Tamanrasset. »

Un centre similaire a été construit à Reggane, équipé d’un scanner et bientôt d’un IRM (mise en service prévue pour 2026). Par ailleurs, Reggane dispose désormais d’un centre de lutte contre le cancer, permettant aux patients de se faire soigner localement sans devoir se déplacer à Oran ou dans d'autres grandes villes.
Cherchali a estimé à 4 000 le nombre de personnes déjà examinées, sans toutefois divulguer le nombre précis de cas de maladies directement causées par les radiations nucléaires. Il a ajouté que des campagnes de sensibilisation sont organisées auprès de la population pour les alerter des dangers liés à la proximité des anciens sites d’essais, à l'utilisation de matériaux contaminés, et à la consommation de plantes ou d’eau souterraine potentiellement irradiées.

Le géologue Hannafi Ben Ali s’est penché sur les effets des explosions nucléaires sur la géologie de la région, notamment après l’échec de l’essai « Béryl », qui a entraîné la fuite de lave, d’un nuage radioactif et la contamination de matières rares utilisées dans la fabrication d’objets artisanaux. Il a également souligné l'impact sur les nappes phréatiques de Reggane, notamment sur l’aquifère albien, l’un des plus grands réservoirs souterrains d’eau au monde, partagé entre l’Algérie, la Libye et une partie de la Tunisie, « Heureusement, les études montrent qu’il n’est pas encore contaminé », a-t-il rassuré.

Cependant, les risques liés aux radiations ont empêché tout projet d’exploration de gaz dans la région de Reggane. Les dangers s’étendent jusqu’à Tindouf et Béchar, zones riches en gisements de cuivre exploités depuis l’Antiquité.
L’avocate Farida Benbraham a souligné l’importance de ce débat scientifique riche en preuves irréfutables, rappelant que ces actes constituent un crime contre l’humanité imprescriptible selon le droit international et la Convention de Rome, ratifiée par la France.

« Ils se cachent derrière les Accords d'Évian, mais ceux-ci n’autorisent que des essais scientifiques et le démantèlement des installations militaires, pas des essais nucléaires », a-t-elle affirmé.
Elle a appelé à la création d’un front national unifié réunissant experts et juristes pour contraindre la France à reconnaître ses crimes, remettre les cartes des zones contaminées, ainsi que l’ensemble des archives liées aux essais nucléaires, et à porter l’affaire devant les instances et juridictions internationales.

À noter que ce documentaire a été projeté en marge des travaux de la 69e session de la Conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), tenue à Vienne, en Autriche. La session était consacrée à l’impact des essais nucléaires français dans le sud algérien sur l’environnement et la santé des populations, avec la participation de nombreux experts et spécialistes.

Lors des débats, l’Algérie a exposé les mesures prises pour atténuer les effets de ces essais et pour promouvoir un développement durable dans les régions touchées, en accord avec le programme du président de la République, Abdelmadjid Tebboune.