Monde

Le Maroc face au scénario de Madagascar et du Népal

Le mouvement lancé par les "Gen Z" maintient ses revendications

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La situation au Maroc tend vers une dégradation croissante dans un climat de pourrissement, à mesure que le mouvement de la "Gen Z" maintient ses revendications pour l'amélioration des services de santé et d'éducation, la lutte contre la corruption, et décide de retourner dans la rue après un discours décevant du roi Mohammed VI. En réponse, le régime marocain a devancé les manifestations prévues samedi prochain en infligeant de lourdes peines aux détenus, allant de 3 à 15 ans de prison. Ces développements coïncident avec des scénarios dramatiques survenus à Madagascar et auparavant au Népal, où la colère des jeunes de la Gen Z a conduit à la chute des régimes en place.

La Cour d’appel d’Agadir a rendu, mardi soir, de lourds verdicts allant de 3 à 15 ans de prison ferme contre 16 jeunes arrêtés dans le cadre de ce qu’on a appelé les "événements de Al-Qliaa" et d’Inezgane, lors de la vague de protestations de la "Gen Z" qui secoue plusieurs villes marocaines depuis la fin septembre.

Des sources au sein de la défense ont indiqué que le tribunal a condamné trois accusés à 15 ans de prison, un à 12 ans, neuf autres à 10 ans, deux à 5 et 4 ans respectivement, et trois autres à 3 ans chacun.

Les accusés ont comparu devant la cour d’Agadir pour des charges qualifiées de "lourdes", notamment : "destruction de bâtiments et de biens mobiliers en groupe ou en bande avec usage de la force", "incendie volontaire de biens ne leur appartenant pas", "violence contre les forces de l’ordre avec usage d’armes", "désobéissance" et "entrave à la voie publique".

Le même tribunal avait déjà condamné, le 7 octobre dernier, un jeune homme à 10 ans de prison ferme pour sa participation à l’attaque contre un poste de la gendarmerie royale à Al-Qliaa, dans le cadre du même dossier.

Ces verdicts s’inscrivent dans une série de procès en cours dans plusieurs juridictions marocaines visant plus de 400 jeunes poursuivis pour leur implication dans les manifestations de la "Gen Z", dont certains sont jugés en liberté, tandis que d’autres ont déjà écopé de peines qualifiées de "sévères", comme celles récemment prononcées par la Cour d’appel de Salé dans des affaires similaires.

La situation a dégénéré après une vague de violences, de répressions et d’arrestations massives menées par les forces du régime marocain contre des jeunes manifestants descendus pacifiquement dans la rue pour réclamer une amélioration des conditions de vie au Maroc. Cette répression a déclenché une grande colère parmi les jeunes.

La section canadienne de l’Association marocaine des droits de l’homme avait organisé, vendredi dernier, un rassemblement devant le consulat du Maroc à Montréal pour exiger la libération des détenus arrêtés à la suite des manifestations appelées par le mouvement "Gen Z".

Dans un communiqué lu devant les participants au rassemblement, l’association a "vigoureusement condamné les arrestations arbitraires et la violence contre les manifestants pacifiques", réclamant "la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus en lien avec ces événements".

La présidente de l’Association marocaine des droits de l’homme, Souad Brahma, a déclaré dans des entretiens avec la presse que "les arrestations ont été nombreuses et une grande violence a été exercée contre les manifestants", des jeunes qui ont protesté dans plusieurs villes "pour des revendications justes et simples, auxquelles l’État aurait pu apporter des réponses, telles que la santé et l’emploi". Elle a souligné que les manifestants "ont été confrontés à une grande violence, et des dizaines de jeunes ont été arrêtés dans différentes villes du royaume".

Les jeunes avocats ont également dénoncé, dans un communiqué, la réaction violente et répressive face aux sit-in pacifiques organisés par les jeunes pour réclamer des droits fondamentaux reconnus à la fois au niveau international et constitutionnel, droits dont la revendication a entraîné de nombreuses arrestations parmi les jeunes et les femmes.

Dans ce contexte, les appels à la libération des leaders du Hirak du Rif se poursuivent, des revendications qui ont gagné en intensité avec les manifestations de la jeunesse de la "Gen Z", qui ont fait de leur libération – ainsi que celle de tous les prisonniers des mouvements sociaux – une exigence fondamentale. C’est la même revendication que plusieurs organisations ont récemment remise en lumière, dans le but d’ouvrir la voie à un apaisement politique et aux droits humains.

Nasser Zefzafi, l’un des prisonniers du Hirak du Rif, a publié mardi un message dans lequel il indique que certains conditionnent sa liberté et celle de ses camarades à leur silence, exprimant son rejet catégorique de cette condition.

Son frère, Tarek Zefzafi, a relayé un message succinct destiné à l’opinion publique, dans lequel il déclare :

"Notre liberté est, dans leur dictionnaire, conditionnée au silence, à la soumission et à l’abandon. C’est une trahison envers la patrie sacrée, que nous ne pouvons accepter, même si nos corps devaient être démembrés. La patrie avant tout, et pour toujours."

Il convient de noter que six des détenus du Hirak du Rif sont toujours derrière les barreaux :Nasser Zefzafi (condamné à 20 ans de prison), Nabil Ahamjiq, Samir Aghid, Zakaria Adahchour, Mohamed El Haki (tous trois condamnés à 15 ans), Mohamed Jalloul (condamné à 10 ans)

Le discours récent du roi Mohammed VI devant le Parlement, jugé décevant, ainsi que la violence, la répression et les lourdes condamnations infligées aux détenus, ont encore renforcé la colère d’une jeunesse de plus en plus révoltée contre le régime marocain. Cela ouvre la porte à tous les scénarios. Beaucoup se demandent quelles seront les conséquences de cette colère qui anime la jeunesse marocaine révoltée ? Et si cela allait reproduire des scénarios similaires à ceux vécus au Népal et actuellement à Madagascar, où la jeunesse en colère a renversé les régimes en place ?