Le chercheur français en géopolitique et spécialiste du Moyen-Orient, Pascal Boniface, a vivement critiqué l’état des libertés intellectuelles en France, notamment les pressions et contraintes exercées sur les élites ayant adopté des positions progressistes contre le génocide perpétré par l’entité sioniste et en défense du droit palestinien.
Lors d’une conférence organisée à Tunis autour de son nouveau livre « Géostratégix Palestine– Israël», Boniface a surpris l’auditoire en déclarant : « Je demanderai l’asile en Belgique, car le débat y est plus libre qu’en France concernant le conflit israélo-arabe. En France, il existe un véritable blocus de la pensée et de l’écriture libre. L’accusation d’antisémitisme et les lois qui s’y rapportent y sont utilisées de façon abusive, empêchant toute critique du génocide commis par Israël contre les Palestiniens ».
Selon lui, « en France et en Europe, les lois contre l’antisémitisme servent à interdire toute critique d’Israël. Nous pouvons critiquer tout le monde sauf Israël. Si vous exprimez votre désaccord avec Vladimir Poutine, personne ne vous accuse d’antisémitisme ; si vous critiquez Xi Jinping, il n’y a pas d’amalgame. Mais dès que vous condamnez les politiques israéliennes, on vous accuse immédiatement d’être antisémite ».
Boniface a en outre accusé les médias français de complicité et de manque de professionnalisme sur la question palestinienne : « Il y a connivence et absence de rigueur. On assiste à une combinaison de complicité et de non-professionnalisme. Il y a un blocus contre ma personne et contre toute voix dénonçant le génocide. Nous devons recourir aux médias alternatifs et aux réseaux sociaux pour nous faire entendre ». Toutefois, il estime que les jeunes générations en France et en Occident ne se laissent plus berner par cette propagande et adoptent des positions de plus en plus critiques.
Concernant la politique internationale, il a affirmé : « Tant qu’il n’y aura pas de sanctions, Israël ne cessera pas son entreprise génocidaire. On a infligé 19 sanctions contre la Russie, mais pas une seule contre Israël. Certes, la reconnaissance de l’État palestinien par la France et certains pays occidentaux est une étape positive, mais sans sanctions, cela reste dépourvu de sens ».
L’intellectuel appelle donc à une mobilisation populaire et à une fermeté accrue des gouvernements européens : « Il est inconcevable que le monde reste inerte. Après deux ans de guerre ouverte à Gaza, des enfants vivent sans école, sans eau, sans moyens de subsistance. Des civils désarmés sont massacrés. Rien ne peut justifier un tel génocide. C’est un crime contre l’humanité. L’armée israélienne prétend combattre le Hamas, mais 83 % des victimes sont des civils. Malgré les massacres, Israël n’a pas pu libérer ses otages ; trois d’entre eux ont même été tués par l’armée israélienne elle-même ».
Sur les scénarios possibles, Boniface estime qu’Israël « pourrait engranger certains gains par la force, mais perdra beaucoup plus à long terme. Je suis convaincu que la vérité et la parole triompheront de la force. Israël subit également de lourdes pertes économiques : le tourisme est à l’arrêt, l’économie en crise. Le gouvernement d’extrême droite cherche à transformer un conflit d’occupation en conflit religieux pour justifier ses positions. Il faut distinguer judaïsme et sionisme : on peut parler d’un lobby sioniste, mais certainement pas d’un lobby juif, car de nombreux juifs rejettent le génocide et s’opposent à Israël ».
Interrogé sur une éventuelle comparaison entre le 7 octobre 2023 et le 11 septembre 2001, il a répondu : « La comparaison n’est pas possible, mais dans les deux cas, les événements ont été instrumentalisés pour servir des projets agressifs ».
Relisant les précédents processus de paix, Boniface considère qu’« Israël n’a jamais eu la volonté réelle de paix. Les accords d’Oslo n’étaient pas équitables : les Palestiniens ont reconnu Israël comme État, mais Israël n’a reconnu qu’une Autorité palestinienne, sans jamais admettre l’existence d’un État palestinien. Oslo n’a pas mis fin à l’occupation ni stoppé la colonisation. L’assassinat de Yitzhak Rabin a scellé la fin de ce processus ».
Enfin, sur le rôle régional, il a estimé que « le régime syrien et Bachar al-Assad n’ont jamais représenté une véritable gêne pour Israël », rappelant que certaines défaites arabes, notamment la guerre de 1967, ont consolidé la position d’Israël. À ses yeux, « le président égyptien Anouar el-Sadate a trahi la cause arabe en signant un accord qui n’a pas garanti les droits des Palestiniens ».
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