Monde

« Le Polisario prêt à négocier avec le Maroc »

Le ministre sahraoui des Affaires étrangères affirme que le document attribué aux États-Unis n’est pas un projet de recommandation.

  • 140
  • 7:33 Min

Mohamed Yeslem Beissat, ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique, a révélé que le document attribué aux États-Unis n’est pas un projet de recommandation visant à résoudre le conflit au Sahara occidental, comme cela a été rapporté, mais de simples idées américaines présentées au Groupe des amis.

Dans une déclaration accordée au journal « El-Khabar », en marge d’une conférence de presse tenue ce mercredi au siège de l’ambassade sahraouie à Alger, Mohamed Yeslem Beissat a précisé que les canaux de communication entre la partie sahraouie et les membres du Conseil de sécurité, y compris la partie américaine, demeurent ouverts en permanence, et que les contacts se poursuivent avec les différentes parties internationales concernées par la question sahraouie.

Il a souligné que « le document attribué aux États-Unis n’est pas un projet de recommandation, comme cela a été dit, mais des idées américaines soumises au Groupe des amis, lequel pourrait, à une étape ultérieure, parvenir à un projet de recommandation officiel ».

« Tout débat ou mouvement autour de la question est un signe positif »

L’orateur a indiqué que la récente activité diplomatique et l’intérêt international croissant pour la cause sahraouie constituent une conséquence naturelle de la lutte du peuple sahraoui et de sa résistance continue depuis cinq décennies, affirmant que ces démarches diplomatiques peuvent contribuer à des avancées tangibles dans l’examen du dossier du Sahara occidental.

Il a ajouté que cette dynamique internationale pourrait ouvrir la voie à de nouveaux compromis permettant au peuple sahraoui d’exercer son droit à l’autodétermination.

Mohamed Yeslem Beissat a conclu en déclarant que tout débat ou mouvement autour de la question constitue un signe positif, car le véritable danger réside dans l’inertie et l’oubli, alors que l’intérêt international croissant est un élément bienvenu, preuve de la prise de conscience mondiale quant aux souffrances et aux aspirations du peuple sahraoui à la liberté et à l’autodétermination.

Dans son discours d’ouverture, le ministre sahraoui a renouvelé la disposition du Front Polisario à engager des négociations directes et sérieuses avec le Royaume du Maroc, de bonne foi et sans conditions préalables, sous l’égide des Nations unies, sur la base de « l’esprit et du contenu de la proposition élargie », en vue d’aboutir à une solution juste, pacifique et durable garantissant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

« La proposition sahraouie représente une démarche amicale »

Le ministre a souligné l’importance de la proposition sahraouie, qu’il a qualifiée d’initiative volontaire et sincère, répondant aux appels répétés du Conseil de sécurité aux deux parties. Il a assuré qu’elle s’aligne sur les règles et les principes du droit international, ainsi que sur les résolutions contraignantes des Nations unies et des juridictions internationales encadrant les mécanismes de règlement des conflits.

Beissat a précisé que la proposition sahraouie constitue une véritable main tendue du peuple sahraoui à ses voisins marocains, la décrivant comme une main sincèrement ouverte pour parvenir à une solution globale, juste et durable, en espérant qu’elle soit accueillie dans un esprit constructif et responsable.

Le ministre a ajouté que cette proposition est inclusive et démocratique, guidée par les options prévues par les résolutions onusiennes en matière de décolonisation et d’autodétermination, notamment l’indépendance, l’intégration dans l’État marocain ou toute autre option librement choisie par le peuple sahraoui.

Il a expliqué que cette proposition découle de l’aspiration du peuple sahraoui, en tant que peuple africain et maghrébin, à accélérer l’intégration maghrébine et la coopération dans le nord du continent africain, en harmonie avec la vision de l’Union africaine et les aspirations des peuples de la région.

Le ministre a insisté sur le fait que la paix véritable ne se construit ni sur les manœuvres ni sur les solutions imposées, mais sur le dialogue responsable, le respect mutuel, l’échange des bénéfices et la gestion des défis communs avec sagesse et sincérité.

Beissat a appelé les puissances internationales influentes à cesser de soutenir une partie contre l’autre et déclaré : « Nous attendons de la communauté internationale qu’elle fasse partie de la solution, et non du problème, et qu’elle contribue à pousser les deux parties vers des négociations sérieuses et responsables».

Il a également adressé un message direct au Maroc, exprimant son espoir que « les frères marocains comprendront que parier sur des acteurs extérieurs est un choix risqué et coûteux », soulignant que le dialogue direct avec les Sahraouis est la meilleure voie, car il permettra un partage équitable du coût de la paix.

Le ministre a cité l’exemple de la paix avec la Mauritanie, qu’il a qualifiée de véritable réussite et modèle à suivre : « Nous avons réussi avec nos frères mauritaniens à passer de la guerre et de ses malheurs à un modèle unique de fraternité, de coopération et de bon voisinage».

Il a ajouté que toutes les expériences historiques des conflits démontrent que la paix réelle ne s’impose pas par la force, mais qu’elle repose sur le traitement des causes profondes du conflit afin d’en prévenir la récurrence.

Le ministre est ensuite revenu sur l’essence du conflit au Sahara occidental, affirmant qu’il s’agit d’une tentative de modifier par la force les frontières héritées de l’indépendance, ce qui constitue une menace directe pour la paix et la sécurité régionales.

Il a averti que tout changement illégal ou non démocratique des frontières revient à ouvrir la voie à la multiplication des guerres et des conflits sur le continent africain, soulignant que l’imposition d’une solution bancale à un seul conflit pourrait entraîner la région dans une spirale de crises multiples.

L’ONU, seule instance habilitée à résoudre le conflit

En marge de la conférence, le représentant du Front Polisario dans les pays baltes, Hadi El-Kentaoui, a déclaré que la nouvelle proposition sahraouie a été adressée aux Nations unies, car le Front Polisario considère l’organisation onusienne comme la seule instance responsable de la situation juridique actuelle du territoire.

Il a expliqué, dans un entretien accordé à El-Khabar, qu’aucun pays, qu’il s’agisse des États-Unis, de la France ou d’autres membres du Conseil de sécurité, ne peut traiter la question en dehors de ce cadre, car les seules références légales demeurent les résolutions du Conseil de sécurité et le statut juridique du territoire tel que reconnu par les Nations unies.

El-Kentaoui a indiqué que le Polisario a avancé cette proposition après que l’occupation marocaine a présenté son projet d’autonomie, considéré comme un pas en avant, mais que le Polisario, selon ses termes, a fait deux pas supplémentaires, dans un geste reflétant la bonne foi et l’attachement au choix de la paix, sur une base juridique solide fondée sur la légitimité de son statut de mouvement de libération.

Il a ajouté que le peuple sahraoui est la seule entité habilitée à décider du sort du territoire, ce qui constitue le cœur de la proposition et du nouveau document présenté par le Front. Il a affirmé que cette base juridique et politique est à l’origine de la relance du dossier, pour contrer les tentatives de certaines puissances internationales de contourner la légalité internationale et le statut juridique existant du Sahara occidental.

Selon le journaliste sahraoui Ahmed Alien, l’initiative du Polisario offre une voie stratégique sur laquelle il est possible de bâtir. Dans un entretien accordé à El-Khabar, il a précisé que cette initiative repose sur trois points principaux : Ne pas renoncer au principe de l’autodétermination comme fondement essentiel, offrir plusieurs options, intégration au Maroc, autonomie, indépendance, et laisser le peuple sahraoui libre de choisir, aborder les questions pratiques : exploitation des ressources, statut futur des colons, frontières ouvertes, utilisation des infrastructures existantes (port de Boukraâ pour l’exportation du phosphate, passage de Guerguerat vers le Sahel et l’Afrique subsaharienne, aéroports de Dakhla et leurs installations touristiques).

Le journaliste estime que les Sahraouis misent désormais sur le réalisme plutôt que sur le tumulte, et s’interroge : « Sommes-nous capables d’imposer nos conditions (à l’image du Hamas) ? Et quelle serait la marche à suivre si l’administration américaine décidait d’imposer la proposition sans opposition de la Russie et de la Chine ? »

Un optimisme prudent

Les responsables sahraouis interrogés par El Khabar font preuve d’un optimisme prudent face aux nouvelles initiatives visant à résoudre le conflit du Sahara occidental.

S’ils voient dans les récentes démarches diplomatiques une lueur d’espoir pour relancer le processus de règlement bloqué, ils n’occultent pas leurs doutes quant à la sincérité de certains acteurs à s’engager en faveur d’une solution juste garantissant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

Sur le plan interne, les dirigeants sahraouis insistent sur le discours de l’unité pour affronter les grands défis, tandis qu’un discours plus élitiste considère que l’initiative américaine manque de réalisme.

Ils rappellent qu’une situation similaire s’était produite sous la présidence de Barack Obama, lorsque Washington avait fait fuiter une lettre adressée aux membres du Conseil de sécurité, avec l’Espagne, évoquant l’inclusion du suivi des droits de l’homme dans le mandat de la MINURSO.

À l’époque, les Sahraouis, notamment ceux des territoires occupés, avaient accueilli favorablement cette annonce, mais il s’est finalement avéré qu’il ne s’agissait que d’une manœuvre destinée à pousser le Maroc à s’asseoir à la table des négociations avec le Polisario.