Depuis son élection à la présidence de la République, Abdelmadjid Tebboune n’a cessé d’affirmer que l’avenir de l’État algérien passe par le renforcement de la véritable démocratie — non seulement dans sa dimension représentative liée aux élections, mais aussi à travers l’instauration des fondements de la démocratie participative, en impliquant réellement les citoyens dans la prise de décision locale et la gestion de leurs affaires.
Cette orientation s’est traduite par des instructions directes données par le Président de la République aux autorités publiques, poussant le ministère de l’Intérieur à lancer ce qu’on a appelé la « Stratégie nationale de promotion de la démocratie participative au niveau local », dans le but de bâtir une nouvelle approche de gestion des affaires publiques.
Mais cette initiative sera-t-elle réellement capable d’éviter les erreurs du passé ? Quelles conditions doivent être réunies pour garantir son succès ? Et les élus locaux, ainsi que l’administration exécutive au niveau des wilayas, sont-ils prêts à accepter la présence d’entités transparentes partageant avec eux la gestion des affaires publiques ?
Le ministre de l’Intérieur, Brahim Merad, a souligné à plusieurs reprises que cette initiative ne constitue pas un simple slogan politique, mais une démarche concrète vers l’instauration de la bonne gouvernance et la modernisation de la gestion locale, notamment par l’ouverture de canaux de dialogue et de concertation entre l’administration, les élus et la société civile.
Le ministre a affirmé que « l’État avance avec détermination et constance sur la voie de la véritable démocratie », et que « cette approche participative sera inscrite dans les textes législatifs à travers la révision des lois communale et de wilaya, afin de définir les compétences des différentes parties et de donner au citoyen une place effective dans la formulation et le contrôle des politiques locales. »
Cependant, le véritable enjeu — comme le soulignent les spécialistes de la gouvernance — ne réside pas dans l’annonce de la stratégie, mais bien dans la volonté des élus locaux et des exécutifs de wilaya d’accepter l’existence d’entités partageant avec eux le pouvoir décisionnel. En effet, les assemblées populaires communales et de wilaya ont été longtemps habituées à monopoliser les prérogatives de gestion, de planification et de décision, et certains élus pourraient percevoir avec méfiance l’apparition de nouvelles structures imposant une surveillance supplémentaire ou un partage de responsabilités.
À l’inverse, d'autres considèrent que cette forme de partenariat peut représenter une opportunité pour les élus de renforcer leur légitimité et de retisser des liens de confiance avec les citoyens, notamment dans un contexte marqué ces dernières années par une abstention politique croissante et un recul de la confiance dans les institutions locales.
Des expériences antérieures, à l’image du programme « CapDeL », ont démontré que la démarche participative peut être possible et efficace lorsque sont réunies les conditions nécessaires : soutien financier, encadrement juridique, et transparence. Toutefois, l’absence de continuité et le flou entourant les compétences de chacun ont limité l’impact de ce programme dans de nombreuses communes.
C’est pourquoi des experts en gouvernance et administration locale estiment que ce qui distingue la phase actuelle, c’est l’existence d’un cadre constitutionnel et législatif renouvelé, garantissant à la société civile et à la jeunesse des espaces permanents d’action et de contrôle — à l’image de l’Observatoire national de la société civile ou du Conseil supérieur de la jeunesse. Cela ouvre la voie à une version plus sérieuse de la démocratie participative que celles connues précédemment, notamment à l’époque de l’ancien président, lorsque une association prétendant suivre la mise en œuvre du « programme du Président » s’était arrogé les prérogatives des walis et avait commencé à gérer les affaires publiques tout en abusant des deniers et des biens de l’État — des pratiques dont le peuple a fini par découvrir les conséquences.
Par ailleurs, la question de la culture politique du citoyen reste un facteur essentiel pour la réussite de cette expérience. La démocratie participative ne peut se construire uniquement à travers les textes et les décisions ; elle nécessite une prise de conscience populaire qui se traduit par l’initiative, la proposition, et le suivi au quotidien. C’est là que réside le rôle central des associations locales et des acteurs de la société civile, ceux qui sont sincèrement engagés envers leurs communes. Leur présence active et constructive est ce qui pourra transformer cette initiative d’un simple slogan administratif en une pratique concrète et tangible sur le terrain.
Entre ambition politique et défis concrets, le pays semble engagé dans une véritable phase de test du concept de démocratie participative dans la gestion des collectivités locales. La réussite de cette expérience signifierait l’ancrage d’une nouvelle relation entre le citoyen et l’État, fondée sur la confiance et la redevabilité ; son échec, en revanche, ne ferait que reproduire les erreurs du passé, alimentant davantage le sentiment de rupture et de désillusion.
Dans ce contexte, la volonté politique, la clarté des lois, et l’acceptation de la démarche participative par les élus et l’administration seront les facteurs déterminants dans le façonnement de l’avenir.
Ce que l’on attend de cette démarche
L’initiative dite « participative » vise à donner plus de légitimité à l’implication des citoyens à travers la création d’instances locales participatives, leur permettant d’exprimer leurs opinions, de contribuer à l’évaluation des politiques publiques, de proposer des idées, et de surveiller la performance locale, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance et de transparence.
Défis et résistances attendues des « cellules dormantes »
Il est certain que toute nouvelle initiative, programme ou stratégie annoncée rencontre une forme de résistance, qu’elle provienne de « cellules dormantes » ou actives. Il est également évident que certains élus peuvent percevoir les structures participatives comme des rivales à leur autorité, ou craindre de perdre leur monopole décisionnel et les avantages liés à la gestion des ressources. Il peut ainsi exister une réticence à partager les prérogatives ou à ouvrir la porte à une nouvelle forme de reddition de comptes.
Le véritable défi, cependant, ne réside pas dans le principe, mais dans la mise en œuvre, à travers la création de mécanismes efficaces de participation réelle, une répartition claire des pouvoirs, et des garanties juridiques et financières solides.
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