Les députés de l'Assemblée populaire nationale ont adopté à la majorité la nouvelle loi sur les procédures pénales, marquant ce qui est considéré comme une véritable révolution législative, imposant de nouveaux défis à l’appareil judiciaire, aux avocats de la défense et aux justiciables.
Lors de la séance, plus de 100 amendements ont été approuvés, incluant l’ajout de nouveaux articles, la réorganisation des dispositions, et la suppression d’autres articles, en plus des modifications introduites dès la première étude du projet.
À cette occasion, le ministre de la Justice a appelé le corps de la défense — qui avait exprimé de fortes réserves sur plusieurs dispositions perçues comme limitant les droits de la défense et des justiciables — à renforcer la coordination et la coopération avec son ministère pour "construire une justice forte et moderne, consacrant l'État de droit et protégeant les droits et les libertés".
Durant la session, le ministre a rejeté une proposition visant à instaurer la fonction de juge des libertés dans le système judiciaire algérien. Il a estimé, en réponse à la proposition du député Abdelouahab Yagoubi, que ce modèle, appliqué notamment en France, risquait d’entraver les procédures judiciaires et faisait déjà l’objet de critiques dans son pays d’origine. Il a également souligné qu'une telle réforme impliquerait une révision préalable du code de l’organisation judiciaire, qui prévaut sur le code de procédure pénale, avant de conclure que ce modèle "n’est pas compatible avec le système judiciaire algérien".
De son côté, Yagoubi a défendu sa proposition, estimant qu’un juge des libertés allégerait la charge du juge d’instruction et introduirait une dimension plus humaine dans le système judiciaire. Il a regretté que la commission juridique ait rejeté ses propositions, qu’elle a qualifiées de transpositions de modèles étrangers difficiles à adapter à la structure juridique algérienne.
La commission juridique a également refusé plusieurs amendements, notamment : l’obligation d’enregistrer les interrogatoires des personnes arrêtées en audio et vidéo, l’interdiction de retirer les passeports ou documents d’identité sauf sur décision judiciaire écrite. Elle a justifié ces refus par la nécessité de maintenir une certaine flexibilité dans des cas exceptionnels liés à la sécurité publique ou à des urgences nécessitant des interventions rapides.
Parmi les amendements acceptés figurent : L’obligation pour les entreprises concernées par des procédures de règlement à l’amiable de verser une amende pouvant aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires moyen des trois dernières années (article 99 bis 2). La création d’un nouveau chapitre pour corriger les erreurs procédurales commises par la Cour suprême. La suppression du système permettant à toute personne de défendre un accusé (article 406), répondant ainsi à une forte demande du barreau.
La séance a été interrompue lors de l'examen d'un amendement visant à restreindre les poursuites contre les parlementaires en cas de flagrant délit. L’amendement stipulait que l’arrestation d’un parlementaire en flagrant délit devait être suivie d’une notification immédiate au bureau de l’APN ou du Conseil de la Nation, avec une réponse dans un délai de 72 heures. En cas de refus de poursuite, le parlementaire devait être libéré immédiatement et l’application des mesures prévues par la Constitution.
Après des consultations entre les présidents des groupes parlementaires, le représentant du gouvernement et l’auteur de l’amendement, ce dernier a été convaincu par les arguments de la commission, qui a estimé que la proposition ne relevait pas du champ de cette loi. Elle est déjà prise en charge par l’article 130 de la Constitution. En outre, le Code de procédure pénale est destiné à organiser le déroulement général du processus judiciaire, et non à traiter de l’immunité parlementaire, laquelle est régie par des lois spécifiques ou par les règlements intérieurs des deux chambres du Parlement, conformément aux dispositions constitutionnelles. La commission a jugé que l’introduction de ce texte risquait d’ouvrir la voie à une confusion injustifiée entre les pouvoirs législatif et judiciaire, et de nuire à la clarté du cadre procédural.
La nouvelle loi introduit des alternatives aux poursuites pénales contre les personnes morales, notamment le report des poursuites dans certains délits en échange de la restitution de fonds détournés ou transférés à l’étranger, et le paiement intégral des sommes dues au Trésor public.
Elle prévoit la création d'une Agence nationale chargée de la gestion des avoirs gelés, saisis ou confisqués, qui comblera un vide institutionnel. Elle sera également chargée de la récupération des avoirs transférés à l’étranger. Parmi les autres nouveautés : le renforcement de la médiation comme alternative aux poursuites pénales. Maintien du jury dans les affaires criminelles, avec une réduction du nombre de jurés (de 4 à 2). Le renforcement des prérogatives du ministère public. Protection des responsables locaux. Amélioration de la gestion des affaires pénales et numérisation des procédures, notamment par la révision du système de comparution immédiate instauré depuis 2015.
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