Dans le rapport préliminaire du projet de loi sur la procédure pénale, le législateur algérien a proposé de nouveaux articles destinés à enrichir le contenu du texte, à unifier la terminologie pour faciliter le travail de la justice, et à renforcer les droits et libertés, tant individuels que collectifs. Parmi les nouveautés majeures de ce projet figure l’introduction du mécanisme de médiation, qui vise à faire des procès un dernier recours, après épuisement de toutes les voies de règlement amiable.
L’une des mesures notables prises lors de la réforme du Code de procédure pénale par l’ordonnance n°15-02 du 23 juillet 2015 est l’introduction de la médiation pénale, en réponse à l’augmentation du nombre d’affaires et à la complexité de leur traitement. Cette réforme permet aux parties de résoudre leurs différends sans passer systématiquement par le tribunal.
Conscient de l’importance de ce mécanisme en tant que modèle innovant, le législateur a renforcé dans le projet de loi le recours à la médiation, en confiant au procureur de la République le pouvoir de désigner un médiateur.
À ce sujet, le Dr Hathout Zine El Abidine, avocat et professeur universitaire, estime que cette réforme initiée par le ministère de la Justice vise à adapter le droit national aux dispositions de la Constitution de 2020 et à améliorer la qualité des textes par l’unification des termes juridiques.
En analysant la proposition de médiation, Me Hathout souligne que le fait de permettre au procureur de faire appel à un médiateur – souvent un officier de police judiciaire – soit de sa propre initiative, soit à la demande de la victime ou de l’accusé, avant toute poursuite pénale, constitue un atout majeur pour le parquet. Cela lui permet de réduire sa charge de travail en matière de négociation et de médiation, souvent limitées par le temps et le manque de ressources humaines.
Selon l’avocat, ce dispositif permettrait de réparer le préjudice, de rétablir la situation initiale et d’indemniser la victime à travers un accord écrit consigné dans un procès-verbal, mentionnant l’identité des parties, leurs informations, le contenu de l’accord de médiation et les délais de son exécution.
L’accord est ensuite transmis au procureur de la République pour validation et signature. Une fois finalisé, cet accord constitue un titre exécutoire, non susceptible de recours, qui suspend l’action publique. En cas de non-exécution délibérée, des sanctions sont prévues par les articles 147 et 144 du Code pénal, allant de six mois à trois ans de prison.
Les infractions éligibles à la médiation incluent l’injure, la diffamation, l’atteinte à la vie privée, les menaces, la dénonciation calomnieuse, l’abandon de famille, le non-paiement de la pension alimentaire décidée par la justice, le refus de remettre l’enfant à son tuteur légal, l’appropriation frauduleuse d’un héritage, l’émission de chèques sans provision, les atteintes à la propriété foncière, les coups et blessures (volontaires ou involontaires) sans préméditation ni usage d’arme, ainsi que les contraventions.
Le rôle positif de la médiation
Selon Me Hathout, le texte devrait aussi permettre la présence facultative des avocats des deux parties durant la médiation, pour garantir l’équité et la protection des droits.
Dans le même sens, Me Souhila Abouchoukan, avocate, a déclaré au journal El Khabar que le législateur algérien a dû adapter certaines dispositions devenues inadaptées à l’évolution sociale et à la criminalité actuelle.
Elle a expliqué que la médiation pénale ne se limite plus au procureur, mais peut aussi être effectuée par des médiateurs délégués, désignés par ce dernier. Ces médiateurs sont des personnes reconnues pour leur bonne réputation et moralité, bien informées des réalités sociales, et ayant prêté serment devant le président de la cour.
Elle a ajouté que la médiation est utile pour les infractions telles que l’injure publique, l’escroquerie, la diffamation, les coups et blessures, mais aussi pour d'autres infractions comme le vol, le recel et l’escroquerie entre membres d’une même famille, en vue de protéger la cellule familiale contre la dislocation.
Elle a précisé, à titre d’exemple, que dans les cas de chèques sans provision, un accord amiable établi par un médiateur permet à la victime de récupérer le montant dû, ce qui peut entraîner l’arrêt des poursuites pénales.
Concernant les délits économiques ou portant atteinte à la sécurité de l’État, la réforme élargit les compétences du procureur pour inclure la possibilité d’auditionner des personnes morales représentées par leurs représentants légaux dans un cadre de négociation, notamment pour faciliter la récupération des biens et avoirs de l’État.
Le recours à un « défenseur »
Selon Me Abouchoukan, cette réforme repose sur des principes de justice pénale fondés sur la légalité et la protection de la société. Toutefois, elle avertit que si la réforme ne prend pas en compte la réalité sociale, économique et politique, elle pourrait compromettre l’équilibre et la stabilité juridique, et porter atteinte aux principes de justice et d’équité, notamment en matière de défense des droits des justiciables.
Le projet prévoit également, dans son article 473, que le prévenu a le droit de désigner un « défenseur ». Selon Me Abouchoukan, cela semble élargir la possibilité d’assurer la défense à des personnes autres que les avocats inscrits au barreau, ce qui pourrait réduire le rôle traditionnel de l’avocat, pourtant considéré comme auxiliaire de justice.
Elle estime que cette disposition, si elle est maintenue, constitue une atteinte au droit fondamental à la défense tel que consacré par la Constitution, car le texte fondamental ne prévoit pas la notion de « défenseur » autre que l’avocat, ce qui pourrait engendrer un déséquilibre juridique.
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