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Une analyse récente publiée par « Critical Threats », une plateforme affiliée à l'Institut américain conservateur « American Enterprise Institute », met en lumière les changements géopolitiques en cours dans la région du Sahel et la montée du sentiment anti-français en Afrique francophone. Ce sentiment, de plus en plus présent, s’est traduit par la décision du Tchad et du Sénégal de mettre fin à leurs accords militaires avec la France, rejoignant ainsi le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Selon le rapport, cette évolution marque un recul de l'influence française dans une région longtemps considérée comme cruciale pour la stratégie sécuritaire de Paris.

L'analyse attribue cette dynamique à un mécontentement grandissant face aux stratégies françaises de lutte contre le terrorisme et aux tensions persistantes liées à l’héritage colonial. La perte du rôle stratégique du Tchad et la décision du Sénégal de ne plus accueillir de bases militaires françaises constituent des revers majeurs pour l’influence française dans la région.

Le retrait de la France a créé un vide que d'autres acteurs, notamment la Russie, cherchent à combler. La Russie a déjà établi une présence notable au Burkina Faso, au Mali et au Niger, se positionnant comme un partenaire alternatif pour les pays ayant perdu confiance dans les alliances occidentales traditionnelles.

Cependant, les experts avertissent que l’expansion de l’influence russe au Tchad et au Sénégal fait face à des défis considérables, notamment les engagements militaires continus de la Russie en Ukraine et en Syrie, qui épuisent ses ressources militaires et logistiques et limitent sa capacité à consacrer des moyens importants à la région du Sahel.

Moscou a manifesté son intérêt pour le Tchad et le Sénégal par des engagements diplomatiques de haut niveau. Le président Vladimir Poutine a reçu son homologue tchadien au Kremlin, tandis que le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a visité la région du Sahel pour renforcer les relations avec les États locaux en proposant des accords de coopération militaire.

En 2024, la Russie aurait également exercé des pressions pour conclure un nouvel accord de coopération militaire avec le Sénégal. Cet accord viserait à permettre aux navires russes d’accéder aux ports sénégalais et à faciliter le soutien logistique, réduisant ainsi la dépendance de Moscou aux liaisons aériennes pour ses opérations au Sahel.

Malgré ces initiatives russes, le Tchad et le Sénégal ont montré une certaine réserve à l’idée de s’aligner complètement sur Moscou. Le Tchad a exprimé ses réticences en arrêtant des individus liés au groupe Wagner plus tôt cette année, tandis que le Sénégal a affirmé son intention de maintenir un équilibre dans ses relations avec les partenaires occidentaux et autres, plutôt que de remplacer l’influence française par une autre puissance étrangère dominante.

L'analyse met en lumière un paysage géopolitique en pleine mutation au Sahel, estimant qu’aucune puissance unique ne dominera la région dans un avenir proche. Au contraire, les pays du Sahel semblent aspirer à affirmer leur souveraineté et à diversifier leurs partenariats internationaux.

Les experts concluent que la stabilité durable dans la région du Sahel dépendra de la capacité des gouvernements locaux à résoudre les défis internes tout en maintenant des relations constructives avec une variété de partenaires internationaux.