La classe politique guette les messages de Tebboune

Il est prévu que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, rencontre les députés et les membres des deux chambres du Parlement — l’Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation — pour prononcer un discours à la Nation. Ce rendez-vous politique et constitutionnel consacre le retour d’une tradition présidentielle absente depuis des décennies et réactivée par le président Tebboune par décret présidentiel, s’inspirant de l’expérience du défunt président Houari Boumédiène en 1977, lorsqu’il avait fait de l’adresse aux représentants du peuple une étape annuelle d’évaluation des performances et de définition des grandes orientations de l’État.

Le président Tebboune revient ainsi à la tribune parlementaire dans un contexte interne, régional et international d’une extrême sensibilité, en présence de hauts responsables de l’État, civils et militaires, ainsi que des membres du gouvernement. Il y présentera ce qui peut être considéré comme le bilan de l’action de la présidence et du gouvernement pour l’année 2025, tout en traçant les grandes lignes de son programme de travail pour la période présidentielle 2024-2029, notamment sur les plans politique et économique, dans le cadre d’un processus de réformes dont une partie est encore en cours de concrétisation, tandis que d’autres projets s’apprêtent à être inaugurés ou à voir de nouveaux volets réceptionnés prochainement.

Selon des observateurs, ce discours constituera un moment politique charnière, non seulement parce qu’il s’inscrit dans une tradition constitutionnelle restaurée, mais aussi parce qu’il intervient à la fin du mandat de l’Algérie en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, qui arrive à échéance le 31 du mois en cours, après deux années de présence soutenue et d’une diplomatie active en défense des causes justes, en premier lieu la cause palestinienne et la cause sahraouie, et dans le renforcement de l’image de l’Algérie comme acteur crédible et voix indépendante au sein du système international.

Sur le plan interne, les grands dossiers que le président Tebboune a toujours placés au cœur de ses priorités devraient être abordés, en tête desquels la poursuite de la réforme politique, notamment à l’approche d’échéances électorales législatives et locales. La classe politique a d’ores et déjà commencé à s’y préparer à travers des sorties de terrain visant à prendre le pouls et à sensibiliser à l’importance des enjeux à venir.

Parmi les sujets susceptibles d’occuper l’esprit des députés, de la classe politique et des observateurs figurent également les complots et les tentatives de déstabilisation dont l’Algérie fait l’objet sur le plan régional, lesquelles ont connu une escalade récente, à travers des manœuvres désespérées de nouvelles et anciennes sphères coloniales misant sur l’atteinte à la stabilité du pays et l’attisement du racisme et de la division entre les filles et les fils d’un même peuple uni, sous l’étendard du triptyque de l’identité nationale — l’arabité, l’islam et l’amazighité — solidement ancré dans les racines historiques de l’Algérie.

La poursuite de la lutte implacable contre la corruption devrait également occuper une place importante, avec la réaffirmation de la fermeté à l’égard des corrompus, des contrevenants à la loi, des abuseurs de pouvoir et des auteurs d’abus d’autorité. Cette bataille, rappelle à chaque occasion le président Tebboune, constitue une condition essentielle pour la construction de l’État de droit et la restauration de la confiance entre le citoyen et les institutions de l’État. Elle s’inscrit parallèlement aux réalisations concrétisées dans les secteurs du logement, des infrastructures, de l’agriculture et des transports, ainsi qu’aux projets en cours dans les domaines de l’énergie, des hydrocarbures, des énergies renouvelables, des industries mécaniques et agroalimentaires, avec un accent particulier sur la réforme du secteur du commerce et la promotion des exportations.

Le discours présidentiel devrait également évoquer les efforts déployés pour protéger la jeunesse contre les fléaux sociaux, lutter contre les tentatives d’inonder les milieux juvéniles de drogues et de substances psychotropes, et assécher les sources de la criminalité organisée transfrontalière. Il abordera aussi les politiques publiques visant l’intégration économique et sociale des jeunes, l’ouverture de perspectives d’emploi et d’initiative, comme alternative concrète aux dangers de l’émigration clandestine qui cible particulièrement les catégories vulnérables.

Sur le plan économique, la présentation du bilan sera l’occasion d’évaluer les résultats des réformes adoptées ces dernières années, allant de l’amélioration du climat des affaires à la diversification des exportations hors hydrocarbures et au soutien à la production nationale, parallèlement à la poursuite des programmes de justice sociale et de protection du pouvoir d’achat, dans un contexte de fortes turbulences économiques internationales.

Il convient de rappeler que la Constitution et les dispositions de la loi régissant les relations entre le Parlement et le gouvernement confèrent au président de la République la prérogative de réunir les deux chambres du Parlement en séance commune, une mesure mise en œuvre pour la première fois sous la présidence de Tebboune lors de la consécration du Discours à la Nation, le 25 décembre 2023.

Entre bilan et engagements, entre enjeux internes et échéances externes, le Discours à la Nation, dans sa troisième édition, s’annonce comme une étape politique majeure par laquelle le président Tebboune réaffirme son pari sur la transparence, le dialogue avec l’opinion publique à travers ses représentants élus, et l’ancrage d’une pratique constitutionnelle faisant du Parlement un espace de débat national fédérateur et du Discours à la Nation un rendez-vous annuel pour relire le parcours et se projeter vers l’avenir.