Le professeur Hasni Abidi, chercheur en relations internationales à l’Université de Genève, a affirmé qu’il n’y avait aucun intérêt à rompre les relations entre l’Algérie et la France, insistant sur la nécessité d’adopter une nouvelle vision pour l’avenir des relations avec les pays du Sahel, plutôt que de fonder cette relation sur des régimes politiques instables. Selon lui, l’Algérie partage avec ces pays des frontières qu’aucun État ne peut contrôler militairement.
Ces déclarations ont été faites lors de sa participation à la première émission de "Yamine et Yassar", une nouvelle production de la chaîne "El Khabar", diffusée chaque vendredi à 20h sur YouTube.
Abidi a rappelé que la France est un acteur clé au sein de l’Union européenne, au moment où l’Algérie traverse une période de tensions avec cette dernière. Il a souligné que les décisions européennes, notamment concernant les visas et les partenariats, reposent sur la solidarité entre États membres.
Selon lui, l’Algérie a besoin de partenariats fondés sur le respect mutuel, mettant en garde contre le repli sur soi, qu’il a qualifié de "pensée dangereuse". Il estime qu’une détérioration des relations algéro-françaises serait une opportunité pour d’autres pays de renforcer leurs partenariats avec la France, ce qu’ils attendent avec impatience.
Il a également rappelé que des millions d’Algériens vivent en France et rentrent régulièrement au pays, ce qui nécessite de bonnes relations pour encadrer la coopération bilatérale.
Le chercheur a ajouté que les liens économiques entre l’Algérie et la France ne peuvent être facilement remplacés, précisant que le volume des échanges commerciaux dépasse les 11 milliards de dollars. Il a insisté sur l’importance de diversifier les partenariats économiques et politiques, affirmant qu’il est incorrect de dire que l’Algérie n’a que des relations avec le bloc de l’Est.
Abidi a déclaré que la France ne se résume ni à Macron, ni à Bruno Retailleau, ni à Marine Le Pen, appelant à investir dans l’avenir, surtout que de nombreux Algériens occupent aujourd’hui des postes sensibles en France. Il a souligné qu’il serait irresponsable de compromettre leur avenir à cause de mauvaises relations bilatérales, ajoutant qu’il n’est pas possible d’ouvrir plusieurs fronts simultanément, notamment face aux défis que rencontre l’Algérie au Sahel, aux tensions avec le Maroc, et aux tentatives de l'entté sioniste d’exploiter les zones fragiles.
À propos de Bruno Retailleau, Abidi a estimé qu’il a exploité politiquement la relation avec l’Algérie pour servir ses intérêts électoraux et se présenter comme un homme fort qui a résisté à l’Algérie, une stratégie que n’ont pas adoptée ses prédécesseurs. Il a jugé que Retailleau est allé encore plus loin que Marine Le Pen dans ses prises de position.
Il a aussi estimé que la gestion des relations algéro-françaises devait rester confidentielle et professionnelle, et que le maintien de Retailleau dans le gouvernement serait un signe du maintien d’une approche folklorique et maladroite, notamment sur les questions liées au renvoi des personnes indésirables.
Concernant la nomination de Sébastien Lecornu, Abidi l’a décrit comme un homme de droite ayant travaillé avec Macron, doté d’un profil consensuel, et a estimé qu’il pourrait jouer un rôle de médiateur dans la crise entre Alger et Paris, grâce à ses compétences de négociateur et son acceptation dans les milieux politiques français. Il a précisé qu’il n’a pas d’ambitions présidentielles, ce qui renforce sa crédibilité.
Réviser la politique étrangère en Afrique
Abidi a critiqué l'absence d'une politique anticipative de l'Algérie dans la région du Sahel, appelant à repenser les priorités de la diplomatie algérienne. Il a insisté sur le fait que l'Algérie doit avoir une vision propre de ses relations avec les peuples et non uniquement avec les régimes, rappelant que des centaines de cadres maliens et tchadiens ont été formés par l’Algérie, mais que ce capital humain n’a pas été exploité.
Il a mis en lumière un possible conflit d’intérêts entre la Russie et l’Algérie dans le Sahel, affirmant que la Russie, bien qu’alliée stratégique et fournisseur d’armes, n’adopte pas nécessairement une ligne identique à celle d’Alger. Lorsque la France était présente, la coordination était plus claire, car elle partageait avec l’Algérie une opposition aux sociétés militaires privées.
Abidi a averti contre la dépendance à un seul partenaire pour la sécurité régionale, notamment à un moment où la situation en Libye reste instable, évoquant les ambitions de Khalifa Haftar dans le sud-est libyen, à la frontière algérienne. Il a souligné que l’Algérie soutient la légitimité du gouvernement national libyen et rejette les milices, alors que Haftar affirme diriger une armée régulière, issue de l’ancien régime.
Enfin, Abidi a insisté sur l’importance de la diplomatie religieuse, en tant que complément de la diplomatie classique, surtout dans des régions où les confréries religieuses jouent un rôle central dans la société, notamment dans les zones où l’État est faible ou absent.
Il a révélé travailler sur un guide retraçant les itinéraires culturels de Timimoun, afin de faire découvrir le riche patrimoine spirituel, économique et culturel de cette ville historique, jadis point de passage des caravanes reliant l’ouest à l’est, jusqu’à La Mecque et Médine.
Il a conclu en appelant à la réactivation de cette force douce (soft power) et à son exploitation stratégique pour renforcer l’influence de l’Algérie.
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