Un docu-série, produit par la chaîne espagnole Movistar Plus (via le studio El Terrat, appartenant à Mediapro) et diffusé ce jeudi, revient sur la tentative d’occupation par le régime marocain de l’île espagnole de Perejil (appelée Tura ou Leïla en arabe et en amazigh), survenue en juillet 2002 — un épisode emblématique du contentieux historique entre Madrid et Rabat.
Tout a commencé le 11 juillet 2002, lorsque des forces de la gendarmerie marocaine ont occupé l’îlot de Perejil, faisant craindre un affrontement militaire direct entre les deux pays.
Vingt-trois ans plus tard, cette tentative d’occupation reste une honte silencieuse pour Mohammed VI et le système du Makhzen. Le documentaire intitulé Persil : la guerre qui n’a pas eu lieu s’attache à retracer les fils de ce conflit présenté comme un exemple de guerre hybride. Il est disponible sur la plateforme Movistar Plus+, propriété de Telefónica, sans aucune participation officielle marocaine. Le régime a préféré garder le silence, et aucun responsable ou diplomate marocain contacté par la production n’a accepté de s’exprimer.
Dans un entretien accordé au journal espagnol El Independiente, le réalisateur Tian Riba a reconnu que tenter d’intégrer la version officielle du Maroc s’était avéré impossible, les autorités refusant de commenter un épisode perçu comme un camouflet.
Près de 40 personnes ont pris part à la reconstitution des événements ayant conduit à l’opération militaire espagnole "Romeo Sierra", menée par les forces spéciales espagnoles avec le soutien de la UOE (Unité d’opérations spéciales de la marine), à bord d’hélicoptères HT-27 Cougar.
Le documentaire donne la parole à plusieurs figures clés de l’époque : José María Aznar, Premier ministre espagnol en 2002, Federico Trillo et Ana Palacio, ministres de la Défense et des Affaires étrangères, Jorge Dezcallar, ancien directeur du renseignement espagnol.
Côté marocain, seules des voix non officielles, comme celle du journaliste Nabil Driouech, ont accepté de s’exprimer. Les figures majeures comme Mohammed Benaïssa (ministre des Affaires étrangères, décédé en mars dernier), André Azoulay (conseiller royal), et Karima Benyaich (ambassadrice actuelle du Maroc en Espagne), ont toutes décliné l’invitation à participer.
Dans le documentaire, José María Aznar accuse l’ex-président français Jacques Chirac d’avoir été l’instigateur indirect de la manœuvre marocaine, du fait de sa proximité avec Hassan II, et de son soutien supposé au prince héritier Mohammed VI. Il évoque également l’inquiétude des États-Unis, en particulier de Richard Armitage, alors sous-secrétaire d’État, face au risque d’escalade.
Selon plusieurs intervenants, l’affaire de Perejil visait à tester la réaction de l’Espagne, dans la perspective de revendications territoriales plus larges, notamment sur la roche d’Al Hoceïma, Ceuta et Melilla. Si l’Espagne n’avait pas réagi fermement, cela aurait pu ouvrir la voie à d'autres tentatives d’annexion, à l’image de la "marche verte" contre le Sahara occidental.
À travers une mise en scène rigoureuse, le documentaire soulève une question : ce genre d’incident pourrait-il se reproduire ? Tian Riba répond « Je suis convaincu que quelque chose pourrait arriver à nouveau. Je ne parle pas forcément d’une guerre, mais il est clair, après des mois de discussions, que le Maroc ne renoncera jamais à son rêve du "Grand Maroc" – un projet expansionniste incluant des territoires en Espagne, en Algérie, en Mauritanie et au Mali. »
Il conclut « Cela implique pour Rabat de mener à terme son projet au Sahara occidental, mais aussi de revendiquer Ceuta et Melilla. Le Maroc mène une guerre hybride : pas avec son armée, mais avec d’autres outils — comme ouvrir les barrières frontalières pour laisser passer les migrants quand il veut faire pression sur l’Espagne. Que se passera-t-il dans l’avenir ? Je ne sais pas, mais rien ne peut être écarté. »
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