Le ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels, Yacine Mehdi Walid, évoque dans cet entretien la situation actuelle de la formation professionnelle en Algérie et ses défis, notamment l'adaptation aux besoins du marché du travail, l'encouragement des stagiaires à intégrer le monde des affaires et de l'entrepreneuriat. Il aborde également la stratégie mise en place pour améliorer la qualité de la formation, moderniser les programmes et numériser le secteur.
Le ministre Walid révèle par ailleurs à "El Khabar" le lancement imminent du baccalauréat professionnel pour la première fois en Algérie, en coordination avec le ministère de l'Éducation nationale.
Comment évaluez-vous la situation actuelle de la formation professionnelle en Algérie ? Et quels sont les principaux défis du secteur ?
Si l'on revient à l'histoire de la formation professionnelle en Algérie depuis l'indépendance, on constate que l'État a déployé d'importants efforts pour offrir des opportunités équitables à tous les Algériens, quel que soit leur lieu de résidence ou leur niveau de vie.
En chiffres, après l'indépendance, l'Algérie ne comptait que 15 centres de formation, destinés exclusivement aux colons français et non à la population algérienne. Aujourd'hui, le secteur recense 1 123 centres et instituts de formation professionnelle répartis à travers toutes les communes du pays. Cela témoigne des efforts considérables déployés par l'État dans les domaines de l'enseignement et de l'éducation, à l'instar des efforts menés dans l'enseignement supérieur et la recherche scientifique.
Existe-t-il de nouvelles stratégies que vous souhaitez mettre en œuvre pour améliorer la qualité de la formation professionnelle en Algérie ?
Effectivement, le secteur de la formation professionnelle a toujours été confronté au défi d'améliorer la qualité de la formation et son adéquation avec les besoins du marché du travail. Par le passé, notre objectif était axé sur la quantité : construire un plus grand nombre de centres, élargir les programmes de formation et recruter un grand nombre d'enseignants. Aujourd'hui, nous nous concentrons sur une utilisation optimale des ressources disponibles au sein des structures du secteur, afin de permettre aux jeunes diplômés de tracer leur avenir professionnel, que ce soit à travers l'emploi ou l'entrepreneuriat.
Ainsi, la stratégie du secteur repose sur deux axes principaux : l'adaptation des offres de formation aux exigences du marché du travail et l'encouragement d’un plus grand nombre de stagiaires à intégrer le monde de l'entrepreneuriat.
Comment améliorer la qualité de la formation ?
L'amélioration de la qualité concerne toutes les filières sans exception. Dans cette optique, nous avons signé une convention avec le ministère du Travail après avoir mené une étude il y a deux mois, qui a permis d’évaluer les probabilités d’insertion professionnelle pour chaque spécialité. Nous avons constaté que certaines formations, bien que très demandées par les candidats, affichent un faible taux d’intégration professionnelle.
Pour remédier à cette situation, nous avons lancé un vaste chantier de réforme, notamment à travers l'organisation de sessions nationales regroupant plus de 1 200 experts et cadres aux niveaux national et international.
Nous avons également élaboré une nouvelle feuille de route et un plan d'action sur cinq ans pour moderniser la formation professionnelle. Parmi les principaux axes de ce plan figure la révision du répertoire des formations afin de mieux répondre aux besoins du marché du travail.
Faut-il comprendre de vos propos que les spécialités professionnelles demandées par le marché du travail évoluent avec le temps ? Avez-vous l’intention de mettre à jour les programmes de formation pour suivre ces évolutions ?
Bien sûr. Certaines formations sont devenues obsolètes et il est devenu judicieux de les supprimer, tandis que d'autres doivent être intégrées pour répondre aux mutations profondes que connaît le monde, notamment avec l’essor des nouvelles technologies. De plus, certaines formations doivent être mises à jour en intégrant de nouvelles compétences liées à l'utilisation des technologies modernes.
Comment les établissements de formation s'adaptent-ils aux transformations technologiques ?
Comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons élaboré un plan national ambitieux et vital pour la modernisation du secteur, qui vise à transformer l’image de la formation et de l'enseignement professionnels. Dans ce cadre, nous avons acquis de nouveaux équipements techno-pédagogiques dans plusieurs spécialités et modernisé différents centres.
Nous accélérons également la transition numérique du secteur. Ainsi, lors de la session de février dernier, les inscriptions se sont faites entièrement sans papier, évitant à 252 000 jeunes de se déplacer pour s'inscrire. L'objectif n'était pas seulement de simplifier l'inscription, mais aussi de fonder nos décisions sur des données précises et une transformation numérique complète.
Nous avons lancé une nouvelle plateforme appelée Takwine, intégrée à un système de gestion nommé Tassir, qui regroupe toutes les informations relatives à l'administration des établissements de formation. Ce système est interconnecté avec plusieurs ministères, notamment le ministère de l'Intérieur, qui nous permet de vérifier l'identité des apprenants, ainsi que le ministère du Travail et de l'Emploi, pour adapter l’offre de formation aux besoins spécifiques du marché du travail dans chaque wilaya. En outre, nous collaborons avec le ministère de l'Éducation pour vérifier le niveau scolaire des apprenants.
La modernisation de la formation et de l'enseignement professionnels joue un rôle clé dans l’amélioration de l’image du secteur. Nous voulons que la formation professionnelle soit un choix valorisé, au même titre que les autres filières éducatives. C’est pourquoi nous mettons en place des projets stratégiques majeurs, notamment le lancement du baccalauréat professionnel.
Ce projet, malheureusement en attente depuis plus de 20 ans, est actuellement en cours de concrétisation en collaboration avec le ministère de l’Éducation. Il s’inscrit dans la même dynamique que le baccalauréat technique, récemment initié par le Président de la République, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives à notre jeunesse.
Par ailleurs, une récente étude menée par l'Office National des Statistiques a révélé que les taux d'intégration professionnelle dans le secteur de la formation professionnelle sont encourageants. Ils devraient encore s'améliorer grâce à notre travail avec le ministère du Travail pour ajuster et enrichir les spécialités proposées.
Avec l’augmentation de l’intérêt pour l’entrepreneuriat et l’auto-entrepreneuriat, y a-t-il des programmes ou des projets qui soutiennent les jeunes souhaitant lancer leurs propres projets après avoir suivi des formations professionnelles ?
Bien sûr, nous avons aujourd’hui créé, à travers toutes nos institutions, des centres de développement de l’entrepreneuriat, dont le rôle est de former et de sensibiliser les stagiaires dans ce domaine, en partenariat avec le ministère des startups et des microentreprises, de sorte que les porteurs de projets soient financés à la fin, et cela concerne les stagiaires des niveaux 4 et 5. Quant aux niveaux 1, 2 et 3, nous travaillons avec l’Agence nationale du microcrédit, où des crédits sont accordés aux stagiaires dans divers métiers.
Depuis un mois, nous avons signé une nouvelle décision concernant l’encouragement de l’entrepreneuriat au sein des établissements de formation. Cette décision apporte plusieurs nouvelles incitations. Par exemple, permettre à tout porteur de projet d’héberger son projet dans un centre de formation, ce qui fait de tous les centres de formation des pépinières d’entreprises, soit 1.123 pépinières.
La deuxième incitation est de permettre aux porteurs de projets d’utiliser l’équipement des établissements de formation pendant une année entière après leur sortie, en plus de leur formation en entrepreneuriat et de l’inclusion de matières et de modules concernant l’auto-entrepreneuriat et les compétences douces (soft skills), ainsi que leur financement par l’Agence nationale d’appui à l’entrepreneuriat et l’Agence nationale du microcrédit.
Nous avons également élaboré, en coordination avec mon collègue du ministère des startups, un plan visant à atteindre l’objectif de permettre à 10 % au moins des diplômés d’intégrer annuellement le monde de l’auto-entrepreneuriat, ce qui représente 60 000 entrepreneurs par an.
Le ministère travaille-t-il à renforcer le partenariat avec des institutions éducatives internationales pour améliorer le niveau de la formation en Algérie ?
Nous avons un programme de coopération internationale avec une liste de pays amis. À titre d’exemple, nous mentionnons le programme très important avec l’Allemagne, qui est reconnue par la plupart des pays développés comme un leader dans le domaine de la formation professionnelle. Environ 60 % des jeunes Allemands s’orientent vers la formation professionnelle, ce qui leur permet d’accéder à des opportunités d’emploi. En plus de cela, nous avons des programmes de partenariat avec d’autres pays.
Pour revenir à votre question précédente concernant la modernisation du secteur, je souhaite vous informer que celui-ci est désormais axé sur l’excellence. Nous travaillons actuellement à l’introduction de la norme ISO 21001 pour plusieurs établissements de formation. Il s’agit de la seule norme au monde dédiée aux établissements de formation, et jusqu’à présent, aucun établissement de formation en Algérie ne l’a obtenue. Nous avons sélectionné huit établissements et instituts de formation candidats à l’obtention de cette norme, ce qui devrait améliorer l’image du secteur et nous permettre d’établir des partenariats avec des instituts internationaux.
Vous avez formé un duo exemplaire avec le secteur de l'enseignement supérieur lorsque vous étiez au ministère des Start-up. Peut-on parler d'autres collaborations avec des ministères dans le cadre de la coordination gouvernementale ?
En effet, nous avons formé un partenariat très important avec le ministère des Start-up afin d'encourager les apprenants à entrer dans le monde de l'entrepreneuriat. Nous collaborons également avec le ministère de l'Éducation pour le lancement de la première promotion du baccalauréat professionnel, ainsi qu'avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, où, pour la première fois, nous allons établir des passerelles de coopération entre nos deux secteurs.
Comment voyez-vous la collaboration entre le ministère de la Formation professionnelle et le secteur des affaires en Algérie ?
Comme vous le savez, notre secteur dispose d’un Conseil de partenariat qui regroupe plusieurs représentants du monde des affaires. Nos liens avec les chefs d’entreprise sont forts en raison de la proximité entre les deux secteurs, que ce soit pour la formation des apprentis, leur insertion professionnelle ou encore leur accès à l’entrepreneuriat.
Nous avons également des échanges réguliers avec les organisations patronales, telles que le Conseil du Renouveau Économique Algérien (CREA). C'est pourquoi nous comptons renforcer le Conseil de partenariat du secteur de la formation en augmentant la représentation des employeurs par rapport aux autres départements ministériels.
Par ailleurs, comme je l’ai mentionné précédemment, les entreprises économiques seront directement impliquées dans l’élaboration du nouveau référentiel des formations professionnelles, qui sera annoncé en mai prochain.
Qu’en est-il des Olympiades des métiers ?
Les Olympiades des métiers s'inscrivent dans nos efforts visant à améliorer l’image du secteur et à encourager les jeunes à se tourner vers certaines professions. Comme vous le savez, en Algérie, il est parfois plus facile d’obtenir un rendez-vous chez un médecin que chez un plombier. C’est pourquoi nous voulons redonner de l’intérêt à ces métiers essentiels, qui offrent de bonnes opportunités de revenus et contribuent à réduire le chômage.
Notre objectif à travers cette compétition est aussi de stimuler la concurrence entre les établissements de formation. Nous organiserons la finale nationale en novembre prochain à Oran et nous aspirons à former une équipe algérienne qui participera aux Olympiades africaines des métiers en Zambie, ainsi qu'aux Olympiades mondiales des métiers à Shanghai en 2026. Cette initiative, portée par des jeunes diplômés de nos centres de formation, contribuera à revaloriser l’image du secteur.
Quel message adressez-vous aux jeunes Algériens souhaitant rejoindre les centres de formation professionnelle ?
Mon message est clair : la formation professionnelle est une clé essentielle pour réduire le chômage et améliorer la situation sociale des jeunes. Nous avons accompli de grands progrès dans la modernisation du secteur, en le dotant d’équipements et de technologies de pointe. Aujourd’hui, s’inscrire dans un centre de formation professionnelle est un choix et non une contrainte, car il représente une véritable opportunité de réussite professionnelle.
Rédaction
23/03/2025 - 14:30

Rédaction
23/03/2025 - 14:30
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