Nation

L’Algérie et la France… une crise de souveraineté sans fin

La véritable ironie, c’est que ce que les Algériens demandent à la France n’est pas grand-chose : une reconnaissance tardive des vérités historiques, et un nouveau discours fondé sur le partenariat et non sur la dépendance.

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Quoique plus de soixante-trois ans se soient écoulés depuis le recouvrement de l’Algérie de son indépendance et de sa souveraineté, les relations algéro-françaises restent régies par une logique déséquilibrée, marquée par beaucoup de méfiance, d’hésitation et de préjugés.

La France, semble-t-il, n’a pas encore dépassé le choc de la perte de sa colonie la plus importante, et ses élites politiques, de droite comme de gauche, n’ont pas réussi à construire une vision nouvelle d’une relation d’égal à égal, fondée sur le respect mutuel et les intérêts communs. Alors que l’Algérie plaide pour des relations équilibrées, sans vainqueur ni vaincu, dans un esprit de partenariat « gagnant-gagnant », certains cercles politiques et médiatiques français persistent à invoquer le passé colonial, tantôt avec nostalgie, tantôt avec un esprit de tutelle, comme si l’Algérie n’était pas devenue un État souverain et libre de ses décisions depuis plus de six décennies.

Les dirigeants français, quels que soient leurs courants, ont échoué à gagner la confiance de l’Algérie et des Algériens, car ils n’ont jamais considéré l’Algérie comme un partenaire à part entière. Il n’y a ni véritable reconnaissance des crimes coloniaux, ni révision concrète du discours stéréotypé et condescendant vis-à-vis des pays du Sud, ni volonté de dépasser l’héritage du passé vers un partenariat stratégique respectant la souveraineté nationale et les particularités culturelles.

Ce qui aggrave aujourd’hui la crise, c’est la persistance de Paris dans des politiques qui nuisent aux intérêts de l’Algérie, que ce soit directement ou à travers ses relais en Afrique, par des positions qui contredisent ses prétentions d’être une force de stabilité et garante du droit international. Du soutien à des forces douteuses au Sahel, à la surmédiatisation des rôles des adversaires de l’Algérie dans la région, jusqu’à son ingérence dans des affaires internes de caractère souverain, la France agit parfois comme si elle n’avait jamais quitté l’Algérie.

Plus grave encore, la France perd progressivement sa position traditionnelle de grande puissance, et rate les opportunités historiques de construire une relation de partenariat gagnant avec l’Algérie, qui constitue une porte d’entrée vers l’Afrique et dispose d’une voix influente dans les instances internationales. Au lieu d’investir sa place de membre permanent au Conseil de sécurité pour promouvoir des règlements équitables sur des dossiers tels que la Palestine, le Sahel africain ou le Sahara occidental, Paris se retrouve à défendre des choix déséquilibrés, apparaissant souvent comme partie prenante dans les crises plutôt que comme médiateur impartial.

Face à ce recul français, l’Algérie redessine avec assurance ses choix stratégiques, en diversifiant ses partenaires, en réinvestissant efficacement son ancrage africain, et en développant des relations solides avec la Chine, la Russie et les États-Unis, tout en s’ouvrant de manière raisonnée aux puissances d’Asie et d’Amérique latine, sans pour autant entretenir une hostilité systématique vis-à-vis de l’Occident, mais sans accepter non plus les injonctions ni le chantage.

La paradoxale réalité, c’est que ce que les Algériens demandent à la France n’est pas grand-chose : une reconnaissance tardive des vérités historiques, un nouveau discours fondé sur le partenariat et non sur la dépendance, ainsi qu’un respect des choix de l’Algérie en matière d’économie, de politique et de culture. Mais ce « peu » semble hors de portée pour des élites françaises qui n’ont pas encore revisité leur rapport à leurs anciennes colonies avec sincérité et transparence.

L’avenir des relations entre l’Algérie et la France dépend d’une transformation profonde dans la mentalité parisienne, et de l’abandon d’un regard condescendant qui n’est plus en phase ni avec la réalité de la nouvelle Algérie, ni avec l’évolution des rapports de force mondiaux. La France doit traiter l’Algérie comme un État pleinement souverain, ou bien continuer à perdre sa place, non seulement en Algérie, mais en Afrique et dans le monde.