Nation

Les calculs politiques et culturels révélés par la libération de Sansal

La politique d’escalade et l'attitude provocatrice de l'ancien premier ministre, Bruno Retailleau a retardé et compliqué le dossier

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L’entourage du président français Emmanuel Macron estime que l’ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a, par sa politique d’escalade et son attitude provocatrice envers les autorités algériennes, retardé et compliqué le dossier de l’écrivain Boualem Sansal, selon ce qu’a écrit le magazine "Le Point", proche de la droite.

Autrement dit, Sansal, qui n’avait pas cette notoriété européenne par rapport aux écrivains de sa génération et à ses œuvres, a payé le prix de la politique et de la méthode de Retailleau dans la gestion du dossier de l’expulsion des migrants irréguliers et d’autres affaires avec l’Algérie.

Cependant, là où Retailleau réclamait la libération de Sansal et faisait du dossier une priorité pour l’institution officielle française, et où il entrait dans un conflit presque personnel et partisan avec l’Algérie, il est apparu qu’il avait finalement nui à l’écrivain.

L’homme, qui avait été nommé à ce poste dans le cadre d’un accord et d’un compromis partisan inévitable après les élections législatives anticipées qui avaient bouleversé l’équilibre politique français, est accusé directement par le camp « macron » d’avoir davantage nui qu’aidé, dans un effort pour préserver le gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale, face à l’expansion de l’extrême droite dans l’institution législative.

Dans la mesure où Sansal, qui construit son projet romanesque sur une narration de droite étroite, a payé le prix, il a également bénéficié d’une notoriété gratuite, qu’il n’aurait jamais imaginée sur la scène littéraire française et européenne. Cependant, selon certains observateurs, cette notoriété n’est pas naturelle et ne découle pas d’œuvres littéraires universelles, mais a été fabriquée par des contextes politiques temporaires, renforcée par son alignement avec des thèses de droite et sionistes.

Ces convergences se manifestent, selon eux, dans une « mécanique » qui contrôle parfois le mouvement de la littérature et de la pensée, en déterminant leur direction, le niveau de notoriété et même l’attribution des prix, selon des critères précis auxquels l’écrivain doit se plier.

Alors que le camp « macron » accuse Retailleau d’avoir retardé la libération de l’auteur du livre "Le Village allemand", l’apparition de signes de détente dans la crise entre l’Algérie et Paris après son départ du gouvernement montre que le palais de l’Élysée a également été victime de ceux qui sont derrière Sansal, en faisant de lui une demande officielle de l’État au nom de la liberté d’expression, alors que le penseur François Burgat était poursuivi en justice pour un post sur le réseau social X (anciennement Twitter) en soutien à la cause palestinienne.

Burgat n’était pas le seul à être réduit au silence : des dizaines de voix libres ont subi un blackout médiatique et une interdiction de publication, directe ou indirecte. Les penseurs Roger Garaudy et René Guénon en sont témoins.

Malgré la puissance et la structure de cette domination culturelle et littéraire, elle n’est pas absolue ni entièrement sous contrôle, puisque certaines percées ont eu lieu : des penseurs et romanciers dont les œuvres ont réussi à dépasser ces barrières et à atteindre une audience mondiale, même si elles s’opposaient à ce centralisme.

Ces transgressions ont participé à la notoriété du penseur palestinien Edward Saïd, auteur du célèbre ouvrage Orientalism, qui dénonçait l’Occident, du romancier allemand renommé Günter Grass, lauréat du prix Nobel en 1999 et ayant rejoint dans sa jeunesse un projet dirigeant dans le régime de Hitler, ainsi que du penseur français Jean-Paul Sartre, qui soutint la révolution algérienne et refusa le prix Nobel.