La lutte interne au sein des différentes branches des services de renseignement marocains autour de la succession du roi Mohammed VI, gravement malade, a pris un tournant dangereux ces derniers jours, révélant le climat délétère qui règne au cœur de ces institutions engluées dans les scandales de corruption, d’espionnage et autres affaires compromettantes.
Après les fiascos médiatiques de Jeune Afrique et du journal français Omerta – ce dernier ayant rapidement retiré son article intitulé « Le jeu des espions au Maroc : quand la fiction dépasse la réalité » – les appareils de renseignement du Makhzen ont trouvé refuge dans le petit hebdomadaire français d’extrême droite Le Causeur, qui publia le 29 août dernier un article complaisant visant à réhabiliter l’image des « frères ennemis » : Abdellatif Hammouchi et Yassine Mansouri.
Signé par « Antoine Sarrat », le papier reprenait les mêmes codes que celui retiré par Omerta. L’article a d’ailleurs été relayé le 1er septembre par le média espagnol Atalayar, confirmant la panique qui s’est emparée des deux chefs des services secrets marocains, après les révélations du hacker « JabaRoot » – surnommé « l’Assange marocain » – au sujet d’un certain chef cuisinier français, connu sous le nom de « Renaud », qui aurait administré des hormones féminines au futur roi Hassan III.
Dans ce contexte, l’opposant marocain Soulaimane Raissouni a indiqué sur Facebook, citant des sources fiables, que le prince héritier Hassan III s’était rendu à Paris le vendredi 29 août, le jour même de la publication de l’article du Causeur, accompagné de sa mère Lalla Salma Bennani, pour subir des examens médicaux confirmant ou infirmant les « fuites » de JabaRoot relatives aux hormones. Le prince aurait regagné Rabat dimanche 31 août, après 48 heures passées à Paris.
Raissouni a par ailleurs appelé Mohammed VI à instituer une commission d’enquête pour interroger Mohamed Raji, numéro deux de la DGST, accusé par JabaRoot de détournement de fonds publics et de compromissions avec des acteurs étrangers.
Deux jours auparavant, la presse marocaine annonçait la nomination par Mohammed VI du général Abdellah Boutrig à la tête de la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information. Chargé d’enquêter sur les activités de Mohamed Raji, surnommé « Monsieur Écoutes » en raison de son rôle central dans le scandale du logiciel espion israélien Pegasus, qu’il avait déployé aux côtés de son supérieur Hammouchi. Désormais fragilisé, ce dernier est visiblement confronté au même sort que Driss Basri, l’ancien ministre tout-puissant de l’Intérieur sous Hassan II, finalement écarté et humilié par Mohammed VI. Un scénario susceptible de se répéter si Hassan III monte sur le trône.
Mais le séjour parisien du prince héritier ne se limite pas aux examens médicaux. Il aurait aussi visé un accord politique avec les autorités françaises, soucieuses d’accélérer la transition dynastique. Les séries d’articles publiés dans Le Monde – organe officieux de la DGSE – en témoignent : le quotidien a multiplié les analyses sur l’avenir du régime marocain, dans un contexte marqué par l’absence prolongée du roi, la fragilité géopolitique d’une France en perte d’influence (Ukraine, Sahel, tensions avec Alger) et la perspective de graves tensions sociales à l’approche de la rentrée.
Il est même avancé que Paris aurait exigé des garanties pour les princesses Lalla Hasna et Lalla Meryem (épouse de Fouad Ali El Himma, le puissant conseiller royal), qui militent pour l’accession au trône de Moulay Rachid, frère cadet du roi. Ces deux princesses sont présentées comme les véritables instigatrices du calvaire de Lalla Salma depuis son divorce, ainsi que de ses liens supposés avec le consul général de France à Tanger, retrouvé pendu à son domicile.
Désormais, il est clair que la guerre des clans au sein des services marocains a atteint le palais royal et touche directement le prince héritier. La création d’une commission d’enquête confiée à un général des FAR – en dehors de toute influence des chefs du renseignement intérieur (DGST), de la police (DGSN) et des services extérieurs (DGED) – en atteste.
La plainte déposée par la DGST contre « X » illustre parfaitement ce climat de suspicion. Car JabaRoot, présenté par certains comme un hacker « algérien », n’est en réalité qu’une émanation de ces luttes intestines entre appareils marocains obsédés par le pouvoir et l’accaparement des richesses du peuple marocain et du peuple sahraoui.
La propagande attribuant cette affaire à Alger – à l’instar des rumeurs sur la « disparition » du président Abdelmadjid Tebboune – ne vise qu’à détourner l’attention. Cette stratégie de diversion a coïncidé avec la série d’articles du Monde sur la guerre de succession au Maroc, conçus pour exporter la panique de Hammouchi et de son clan vers l’Algérie.
Cette manipulation a été relayée par des figures connues pour leur proximité avec le Makhzen, tel Abdou Semmar – qualifié de « bouffon » – ou encore Hichem Aboud et Anouar Malek, qui n’ont cessé d’accuser faussement Alger.
Mais l’offensive médiatique du Monde a en réalité plongé les services marocains dans la boue, accélérant le processus de succession voulu par Paris, soucieuse de préserver ses intérêts face aux ambitions rivales d’Israël, des Émirats arabes unis et des États-Unis, tous favorables à Moulay Rachid.
La France, et plus largement le CAC 40, n’entendent pas subir une nouvelle déconvenue au Maroc, après leur perte d’influence en Algérie – un pays attaché à son indépendance et à sa souveraineté, refusant tout statut de vassalité.
C’est pourquoi les protecteurs et soutiens d’Emmanuel Macron s’activent aujourd’hui pour installer Hassan III sur le trône le plus rapidement possible, quitte à sacrifier Hammouchi et Mansouri, tout en offrant des gages aux sœurs du roi sortant.
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