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Nous soutenons une solution politique garantissant le droit à l’autodétermination au Sahara occidental

L’ambassadeur britannique en Algérie, James Downer, parle également dans cet entretien accordé à El Khabar avec beaucoup d’ouverture de l’état des relations bilatérales avec l’Algérie, qui connaissent, selon lui, une dynamique diplomatique et culturelle remarquable

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Dans son bureau au décor boisé ancien et donnant sur une vue splendide du golfe d’Alger et de son port, l’ambassadeur britannique, James Downer, évoque dans cet entretien accordé à El Khabar, avec une grande ouverture, l’état des relations bilatérales qui connaissent, selon lui, une dynamique diplomatique et culturelle remarquable. L’ambassadeur, arrivé en Algérie il y a un an, affirme que les possibilités de coopération entre les deux pays sont importantes dans les domaines de la sécurité, de la lutte contre la migration irrégulière et du soutien aux échanges commerciaux.
Il manifeste un intérêt particulier pour l’accompagnement des efforts de diffusion de la langue anglaise en Algérie, compte tenu de l’engouement croissant de toutes les catégories sociales pour son apprentissage.
L'ambassadeur, qui a récemment visité les montagnes du Djurdjura et revient d’un voyage qu’il qualifie de « magnifique » à Tamanrasset, se dit impressionné par les ressources naturelles que recèle l’Algérie. Mais il estime que cette « beauté » ne parvient pas suffisamment au public britannique, ce qui nécessite selon lui davantage de promotion de la destination touristique algérienne. De nombreuses questions et réponses sont abordées dans cet entretien.


Les relations algéro-britanniques connaissent une dynamique importante ces dernières années, que ce soit à travers les visites de haut niveau, la coopération au sein du Conseil de sécurité ou les partenariats stratégiques. Comment évaluez-vous cette dynamique et quelles sont les priorités pour les prochains mois ?
Les relations bilatérales connaissent une véritable dynamique, illustrée par les visites de haut niveau, notamment celle du directeur général de la Sûreté nationale à Londres, où a été signé le mécanisme d’échange de données biométriques (TOP), facilitant le renvoi des ressortissants algériens qui n'ont plus le droit de rester au Royaume-Uni après la fin de leurs peines. La coopération s’est également renforcée dans la lutte contre la migration irrégulière, les réseaux criminels et le trafic, en plus d’une forte coordination au sein du Conseil de sécurité.
Pour la prochaine phase, les priorités portent sur l’approfondissement des relations économiques, la suppression des obstacles commerciaux, le renforcement des liens humains, l’intensification du dialogue politique et la coopération dans le domaine de l’éducation.


Face aux défis sécuritaires au Sahel, notamment au Mali, ainsi qu’à la situation en Libye, quel rôle l’Algérie peut-elle jouer pour renforcer la stabilité régionale ? Et comment le Royaume-Uni soutient-il concrètement ces efforts ?
Le Royaume-Uni partage les préoccupations de l’Algérie concernant l’expansion de Daech et d’Al-Qaïda au Sahel, notamment avec l’évolution notable des méthodes des groupes terroristes, comme le blocus du carburant au Mali.
Londres estime que la coopération politique et sécuritaire régionale est essentielle. Elle accueille positivement le dialogue entre la CEDEAO et les pays de « l’Alliance pour le Sahel », et salue le soutien de l’Algérie au Mali et son encouragement à retourner vers un dialogue inclusif. Le Royaume-Uni considère que la stabilité durable exige de s’attaquer aux questions de gouvernance, de pauvreté, de désinformation, d’espace civique et de climat. Il demeure engagé à soutenir les initiatives sécuritaires menées par l’Afrique, tout en soulignant l’influence déstabilisatrice des milices soutenues de l’extérieur.


La Déclaration Balfour, qui a permis la création d’Israël sur des terres confisquées aux Palestiniens, a laissé une blessure historique profonde dans la région arabe. Comment le Royaume-Uni perçoit-il sa responsabilité historique, notamment au vu de la situation des Palestiniens après la guerre ?
Le Royaume-Uni affirme son soutien constant à la solution à deux États et agit diplomatiquement et concrètement pour soutenir les communautés palestiniennes menacées. Il soutient également la mise en œuvre du plan en 20 points adopté aux Nations unies. Les priorités actuelles sont la consolidation du cessez-le-feu, l’accès humanitaire, la reconstruction et la relance d’un horizon politique.


Concernant la question du Sahara occidental, le Conseil de sécurité a récemment adopté une résolution dont l’interprétation a suscité des divergences. Quelle est la position du Royaume-Uni ? Et l’option de l’autodétermination par référendum figure-t-elle toujours parmi vos engagements internationaux ?
Le Royaume-Uni accueille favorablement la résolution 2797 du Conseil de sécurité, qui a renouvelé le mandat de la MINURSO. Il réaffirme son soutien à une solution politique juste et durable garantissant le droit à l’autodétermination.
Londres salue les efforts de l’envoyé personnel, Staffan de Mistura, et appelle l’ensemble des parties à participer de bonne foi au processus. Concernant le référendum, le Royaume-Uni estime que le mécanisme d’autodétermination doit faire l’objet d’un accord dans le cadre des négociations menées sous l’égide des Nations unies.


L’Algérie œuvre à récupérer les fonds publics transférés illégalement à l’étranger. Existe-t-il des avoirs connus au Royaume-Uni ? Et quel type de coopération juridique ou judiciaire pourriez-vous fournir ?
Je ne pense pas que le Royaume-Uni ait été une destination privilégiée pour ces fonds. Cependant, le Royaume-Uni confirme l’existence de canaux de coopération juridique mutuelle, y compris les mécanismes de recouvrement d’avoirs.
La coopération se fait au cas par cas, via des demandes judiciaires et des ordres de gel. Il est essentiel que l’Algérie s’appuie sur ses mandataires judiciaires et sur les autorités britanniques dans le cadre des procédures internationales standards (MLA). Le Royaume-Uni est prêt à coopérer dès que des preuves et des demandes officielles sont disponibles.


Comment évaluez-vous les échanges économiques et commerciaux actuels entre l’Algérie et le Royaume-Uni ? Et quelles sont les opportunités à court et moyen termes ?
Le volume du commerce bilatéral a atteint 2,6 milliards de livres sterling jusqu’au deuxième trimestre 2025, avec une hausse de plus de 15 % des exportations britanniques. Le Royaume-Uni estime que la facilitation du commerce augmentera les flux dans les deux sens. Le Premier ministre a annoncé, lors du G20, un contrat aéronautique de 370 millions de livres avec l’Algérie : Rolls-Royce fournira de nouveaux moteurs à Air Algérie. Les atouts britanniques correspondent aux objectifs de diversification de l’économie algérienne, notamment dans la finance, les services professionnels, la technologie, l’énergie propre, les industries avancées, les sciences de la vie et les industries créatives. À court terme, les opportunités sont particulièrement visibles dans la technologie et les conseils liés à l’énergie propre.


Le Brexit a-t-il affecté la nature des relations commerciales avec des pays comme l’Algérie ?
Le Brexit a changé le cadre commercial dans lequel le Royaume-Uni évolue, mais n’a pas diminué son intérêt pour l’Algérie. Aujourd’hui, Londres dispose d’une plus grande flexibilité dans sa diplomatie commerciale bilatérale, lui permettant de développer des relations plus directes et plus efficaces avec des partenaires comme l’Algérie. Les efforts actuels visent donc à maintenir et renforcer cette coopération via l’adaptation des politiques commerciales et le développement de mécanismes plus souples d’échanges économiques.


Comment évaluez-vous le rôle des entreprises britanniques dans le secteur énergétique algérien ?
Les entreprises britanniques sont présentes depuis longtemps dans le secteur des hydrocarbures et les services associés.
Le Royaume-Uni est un leader mondial de l’énergie propre, avec une grande expertise dans les énergies renouvelables, le nucléaire, la capture du carbone et la modernisation des réseaux. Des institutions britanniques comme Great British Energy, le Fonds national de richesse et UKEF soutiennent les partenariats liés à la transition énergétique avec l’Algérie.


Êtes-vous satisfaits de la présence des entreprises britanniques en Algérie, notamment hors hydrocarbures ?
Les entreprises britanniques expriment un intérêt croissant pour le marché algérien, surtout dans l’énergie, l’éducation et la technologie. Elles considèrent que la transparence et la prévisibilité (stabilité réglementaire) sont essentielles pour attirer les investisseurs, et saluent les réformes engagées par l’Algérie pour améliorer le climat des affaires.
Le Royaume-Uni offre un large éventail de services économiques et technologiques, et des outils comme UKEF, OfI et les services commerciaux aident les investisseurs à mieux comprendre la réglementation algérienne et à saisir des opportunités.


L’Algérie connaît un intérêt croissant pour l’anglais. Quel est le meilleur moyen d’en soutenir l’enseignement ?
Londres observe avec intérêt la hausse continue de la demande pour l’anglais. Le Royaume-Uni est prêt à renforcer la coopération dans l’enseignement supérieur, notamment en soutenant la formation des enseignants et en développant les partenariats universitaires, conformément aux priorités algériennes.


L’accès à l’enseignement de l’anglais reste inégal et parfois coûteux. Quelles initiatives le Royaume-Uni propose-t-il pour démocratiser cet apprentissage ?
Depuis 2022, le British Council collabore avec le ministère de l’Éducation pour former des milliers de nouveaux enseignants. Plus de 3 000 enseignants ont déjà bénéficié de cette formation. Cette année, environ 1 000 enseignants supplémentaires et 90 inspecteurs seront formés, couvrant plus de 60 % des inspecteurs du cycle primaire.
Les plateformes éducatives ont enregistré des milliers de visites et d’inscriptions, et une bibliothèque numérique riche en ressources gratuites est accessible en Algérie. Le British Council soutient également l’internationalisation de l’enseignement supérieur, et deux universités britanniques travailleront avec des établissements algériens sur de nouveaux programmes académiques.


La communauté algérienne au Royaume-Uni joue un rôle important. Pouvez-vous en dire plus ?
Le Royaume-Uni cherche à renforcer son lien avec la communauté algérienne et à valoriser ses compétences dans des projets bénéfiques à l’Algérie. Les Algériens sont fortement représentés dans le secteur de la santé, ce qui témoigne de la valeur et du potentiel de cette communauté.

L’obtention du visa reste difficile pour beaucoup d’Algériens. Que peut-on faire pour faciliter les voyages ?
Environ la moitié des demandes de visa algériennes ont été approuvées en 2025, avec des taux élevés pour les visas d’études, de regroupement familial et de travail.
Les autorités britanniques invitent les demandeurs à consulter leur page Facebook officielle ou le site gov.uk pour suivre les procédures et mises à jour.


Lors de l’attaque au couteau dans un train à Londres, un citoyen algérien a sauvé plusieurs vies. Comment avez-vous suivi cet acte héroïque ?
Le citoyen Samir Zaitouni a accompli un acte héroïque exceptionnel, incarnant les valeurs de courage et de solidarité.
Ce geste reflète positivement le rôle honorable joué par les Algériens au Royaume-Uni et souligne les valeurs humaines communes aux deux peuples.


L’Algérie développe son secteur touristique. Existe-t-il des initiatives pour encourager les touristes britanniques à visiter le pays ?
Le Royaume-Uni estime que la destination Algérie reste insuffisamment promue sur le marché britannique, malgré son potentiel considérable dans le tourisme culturel, saharien et patrimonial. Les visites récentes, notamment à Tamanrasset, ont permis de constater la grande diversité de l’offre touristique algérienne et ses possibilités de développement.