C'est dans une atmosphère mêlant tristesse et colère, que la communauté musulmane de France a rendu, ce lundi, un dernier hommage émouvant à Aboubakar Cissé, un jeune Malien de 22 ans, assassiné lâchement alors qu’il était en pleine prière, prosterné dans la mosquée "Khadija" de La Grand-Combe, au sud-est de la France, le 25 avril dernier. Une tragédie atroce qui a profondément choqué l’opinion publique, tant en France qu’à l’étranger.
Lors de la cérémonie, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a pris la parole devant une salle comble « Nous sommes réunis une dernière fois autour du corps de notre frère Aboubakar Cissé, ce jeune croyant, fils du Mali, accueilli par la France et aimé par sa communauté, avant d’être lâchement tué alors qu’il était prosterné devant son dieu, dans un des moments les plus sacrés de l’adoration. »
Dans un discours poignant, Hafiz a qualifié ce meurtre de crime de haine islamophobe, affirmant qu’il ne s’agissait nullement d’un acte isolé, mais d’un acte terroriste qui doit être nommé comme tel, sans ambiguïté.
La cérémonie a réuni des représentants de différentes confessions religieuses, notamment le Grand Rabbin Moshe Lewin, des responsables catholiques, orthodoxes et bouddhistes, ainsi que plusieurs personnalités politiques et diplomatiques, dont des sénateurs français, des représentants de la mairie de Paris et de l’ambassade du Mali.
S’adressant aux autorités françaises, Chems-eddine Hafiz a déclaré que « les musulmans de France attendent plus que des mots. Ils exigent l’égalité, la justice, ni plus ni moins. »
Il a également regretté certaines absences notables d’institutions de l’État, en soulignant que « quand l’Assemblée nationale et le Sénat tardent à observer une minute de silence, ils n’oublient pas seulement un homme, ils oublient des millions de musulmans. »
Le recteur a lancé un appel fort « Si le mot ‘islam’ avait été remplacé par une autre religion, la réaction aurait-elle été la même ? »
Pointant du doigt le climat d’islamophobie croissant en France, il a appelé à une prise de conscience collective.
Dans ce contexte tendu, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est rendu pour la première fois à la Grande Mosquée de Paris. Cette visite, bien que symboliquement forte, intervient trop tard pour beaucoup. Retailleau est largement critiqué pour avoir alimenté, ces derniers mois, un discours de stigmatisation des musulmans, et en particulier des Algériens, ce qui a contribué à détériorer les relations franco-algériennes.
Si cette visite peut être perçue comme une tentative d’apaisement après le choc de l’attentat, elle ne suffit pas à effacer un lourd passif de déclarations hostiles. Restaurer la confiance avec la communauté musulmane nécessite bien plus que des gestes symboliques : il faut une révision profonde du discours politique et des pratiques institutionnelles à son égard.
À noter que Retailleau avait décliné en mars dernier une invitation du recteur à un dîner de rupture du jeûne (iftar), prétextant qu’il ne s’agissait pas d’un événement officiel. Une décision vivement critiquée, d’autant plus qu’il est le ministre en charge des cultes. En contraste, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait, lui, participé à ce même dîner, affirmant le lien fort entre la France et l’Algérie, et appelant à l’apaisement diplomatique.
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