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Nous avons abordé lors de notre entretien avec le représentant spécial de l'UE chargé du processus de paix au Moyen-Orient, Sven Koopmans, en marge de sa récente visite en Algérie, tel que le processus de paix au Moyen-Orient, les priorités actuelles de l’Union européenne dans la bande de Gaza. Le haut diplomate européen a tenté de répondre aux questions sur les nombreuses contradictions de la politique européenne en Palestine et son traitement indulgent de l’occupation israélienne.

Quel est le but de votre visite en Algérie et quelles ont été vos discussions avec le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf ?

L’Algérie est un pays très important au Moyen-Orient, et elle l’est encore plus à l’échelle mondiale en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il s’agit de ma deuxième visite dans votre pays en 18 mois, car nous pensons que l’Algérie joue un rôle important dans le conflit israélo-arabe.

En ce qui concerne l’Union européenne nous sommes voisins de l’Algérie et il est aussi important pour nous de coopérer autant que possible pour trouver une solution à ce conflit qui nous touche tous profondément.

Aujourd’hui, plus que jamais, nous assistons à la crise catastrophique de Gaza. Grâce à la générosité de votre ministre qui m’a accordé du temps du temps pour évoquer les trois priorités de l’Union européenne. Je suis aussi venu entendre ce que le gouvernement algérien considère comme des priorités, et qui sont je l’ai constaté très semblables.

Vous avez évoqué trois priorités de l’UE à Gaza. Quelles sont-elles ?

Premièrement, mettre fin aux souffrances des citoyens de Gaza et ses environs. Il y a, aujourd’hui une famine qui a entraîné jusqu’à présent la mort de 21 enfants, selon nos informations. Ces chiffres sont incroyables et ce qui se passe sont totalement inacceptable. Plus de 30 milles personnes ont été tuées et plus de 70 000 blessées. Gaza est en grande partie dévastée. Dans le même temps, il y a des otages israéliens dans les tunnels de Gaza depuis des mois. Ces gens devraient également être libérés immédiatement. Nous devons mettre fin à cette crise humanitaire et à la guerre à Gaza. Nous devons être clairs avec Israël et le Hamas sur la nécessité d’arrêter les combats et de trouver un moyen de mettre fin à cette crise humanitaire maintenant. C’est notre première priorité.

La deuxième priorité consiste à prévenir une guerre régionale. L’escalade de la violence entre le Hezbollah et Israël est très dangereuse. La Cisjordanie également ou depuis le 7 octobre, jour des attaques terroristes du Hamas, plus de 400 personnes ont été tuées. La grande majorité des victimes sont des palestiniennes, mais il y a aussi des morts israéliens.

Les colonies israéliennes sont en expansion et sont complètement illégales, leur construction a augmenté considérablement depuis le 7 octobre.

Nous constatons depuis le début du ramadan, des restrictions à l’accès à la mosquée Al-Aqsa pour de nombreux Palestiniens. Cette crise pourrait entraîner d’autres violences régionales. Il y a aussi les attaques des Houthis contre des navires en mer rouge. Par conséquent, notre deuxième priorité est de faire en sorte que la situation régionale soit apaisée.

Quant à notre troisième priorité elle est de préparer la paix. La paix à Gaza et la paix entre Palestiniens et Israéliens. L’établissement d’un État palestinien libre aux côtés d’un État israélien sûr. La paix est aussi entre les États arabes, dont l’Algérie, et Israël.

 

Vous avez qualifié les attaques du Hamas de terroristes. Utilisez-vous le même terme pour parler des attaques israéliennes contre la population civile, les enfants et les hôpitaux ? Décrivez-vous les actions d’Israël maintenant comme du terrorisme ?

J’ai visité de nombreux endroits qui ont été attaqués le 7 octobre en Israël. J’ai vu du sang sur les murs, le sang de civils. J’ai parlé aux familles des otages, à des jeunes filles dont les grands-mères étaient dans les tunnels.

Ce qui arrivé est totalement inacceptable. Les attaques contre les civils, comme celles du 7 octobre, sont clairement des attaques terroristes.

Le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique sécuritaire, Josep Borrell, et je suis d’accord avec lui depuis, a de son côté déclaré que couper l’eau, l’électricité et les aides à médicales à la population civile de Gaza étaient complètement illégales de la part d’Israël. C’est inacceptable. L’utilisation de la famine comme moyen de guerre est inacceptable et complètement illégale, nous sommes très clairs sur le sujet.

Je crois que le principe fondamental est que nous devons protéger la vie des civils et que la mort de quiconque est inacceptable.

Nous avons qualifié les attaques des colons en Cisjordanie de terroristes. J’ai parlé à de nombreuses victimes de ces attaques, des survivants, et nous avons clairement décrit ces attaques comme des attaques terroristes.

Ce qu’Israël fait actuellement à Gaza, en bloquant l’aide humanitaire est illégal. Nous avons été très clairs à ce sujet.

« Illégal" est un mot un peu léger. Il semble que lorsqu’il s’agit d’Israël, il y a toujours des mots diplomatiques et des mots indulgents qui ne reflètent pas la réalité de la situation actuelle de Gaza. Pourquoi n’allez-vous pas plus loin en décrivant ce qui se passe, comme l’ont dit de nombreux États et observateurs, comme un génocide ?

C’est un autre terme sur lequel nous devons faire attention. Je pense que nous devrions prendre très au sérieux le recours à la Cour internationale de justice dans de telles affaires. Je suis maintenant un diplomate qui se concentre sur les négociations de paix et la recherche de négociations menant à des États libres et sûrs.

D’autre part, je suis également expert en droit international, j’ai donc mes propres idées sur ce sujet. Mais c’est précisément pour cette raison que je respecte les juges et les institutions que nous avons tous établis pour déterminer la nature de ces actes.

Par conséquent, j’essaie d’être très prudent dans les mots que j’utilise pour décrire chaque action. Mais si vous me le permettez, je dirais qu’il est fondamental d’identifier quelque chose d’illégal. Est-ce légal ou illégal ? Il y a beaucoup de choses légales qui ne sont peut-être pas acceptables, mais elles le sont quand même, mais tout ce qui est illégal n’est pas acceptable.

 

Vous traitez les attaques du 7 octobre comme si elles isolées. Mais n’était-ce pas une réponse à une occupation de 70 ans et à des massacres sans fin contre la population palestinienne, qui a été poussée à se déplacer et à la profanation de lieux saints ? Cela ne constitue-t-il pas un acte de résistance ?

Pour moi, je ne me pose jamais de questions sur la race, la religion ou la nationalité de la victime pour déterminer si l’acte est un crime.

On parle ici d’un occupant et d’un peuple occupé, non pas de race ou de religion. Ces gens occupent des terres qui ne leur appartiennent pas. C’est une occupation de longue date, n’est-ce pas ?

Pour l’Union européenne, il est clair que les conflits et l’occupation dure depuis longtemps. Il ne fait aucun doute qu’il y a une histoire. Mais quand on parle d’un acte criminel, qu’il soit terroriste ou non, et qu’il tue des civils, des innocents et des enfants, je ne me questionne pas sur l’histoire, la religion, la race ou la nationalité des victimes pour dire que c’est inacceptable et illégal.

Il y a beaucoup de « Fake news » au sujet du 7 octobre. Les médias occidentaux eux-mêmes ont montré que les informations sur des massacre d’enfants et de femmes violeurs étaient fausses ?

Je pense qu’il y a une autre conviction pas seulement en Europe, mais dans la plupart des régions du monde. Je pense qu’il est très utile, mais aussi nécessaire, que les personnes ayant des informations et des points de vue différents se réunissent pour protéger les enfants innocents et les civils innocents, hommes et femmes. Nous ne pouvons pas les tuer pour des raisons politiques ou autres.

Je cherche donc nos points communs. Je sais que vous ne serez peut-être pas d’accord avec moi sur certains événements ou que vous aurez peut-être d’autres informations, mais je pense qu’il est important d’être très clair sur les bases.

Puisque vous avez décrit les actions d’Israël à Gaza comme illégal, pourquoi l’Union européenne ne va-t-elle pas au bout de cette logique en imposant des sanctions à Israël et en arrêtant les ventes d’armes à cette armée qui tue des enfants, bombarde les civils, détruit les hôpitaux et prive les habitants de Gaza de nourriture, d’eau, de tout ?

 

Nous imposons maintenant des sanctions à l’encontre des colons en Cisjordanie, aux colons terroristes. Ce n’est pas la même chose lorsque nous parlons de Gaza.

À Gaza, par exemple, les exportations d’armes relèvent de la compétence souveraine des États membres. De nombreux États membres ne fournissent plus d’armes. Des poursuites sont également en cours aux Pays-Bas et dans de nombreux autres États membres.

Dans mon pays, les Pays-Bas, il y a quelques semaines, le gouvernement a été contraint d’arrêter d’exporter des parties d’avions de combat israéliens. Mais comme je l’ai dit, c’est une responsabilité nationale dans tous les pays et non pas celle de l’Union européenne.

De manière générale, il y a d’autres façons de faire du lobbying, et l’avantage d’avoir 27 pays, c’est que nous avons aussi 27 présidents et premiers ministres et 27 ministres des Affaires étrangères. Aujourd’hui, c’est le Premier ministre des Pays-Bas qui rencontre Netanyahou et qui a des messages très clairs. Nous devons continuer d’essayer d’utiliser nos relations avec les Israéliens pour faire pression sur eux. Je comprends que pour vous cela ne soit peut-être pas suffisant. Je comprends cela, mais en même temps, je pense que la position de l’UE est forte et claire.

Si on compare avec la Russie et à l’Ukraine, vous avez imposé des sanctions à la Russie parce que, comme vous le dites, c’est une puissance occupante qui bombarde des civils. Les mêmes caractéristiques existent actuellement à Gaza. Pourquoi ce deux poids deux mesures ? Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout et imposer des sanctions économiques à Israël pour le dissuader ?

Souvent, ces questions relèvent des prérogatives individuelles des États membres. Mais il y a aussi la possibilité pour nous, 27 gouvernements et institutions à Bruxelles, de faire pression sur Israël. Nous le faisons, mais il y a aussi des gouvernements en Europe qui croient fermement qu’Israël doit protéger ses citoyens.

Israël a fait l’objet d’attaques terroristes massives, et je pense qu’il est également utile pour ceux qui voient les choses différemment de reconnaître qu’il y a du terrorisme de l’autre côté. Dans le même temps, cependant, la situation à Gaza est maintenant si inacceptable que nous reconnaissons que nous devons faire plus. Si vous écoutez M. Borrell ou moi, vous verrez que nous sommes pleinement convaincus que ce que nous faisons maintenant n’est pas suffisant. Mais à se faire, nous devons aussi travailler avec nos amis, y compris les Américains et de nombreux autres pays, ainsi qu’avec l’Algérie.

Une conférence préparatoire pour la paix à l’initiative de l’Union européenne serait en préparation, pouvez-vous nous fournir des détails sur cette conférence et quel est son objectif ?

C’est n’est encore qu’une idée, pas une réalité, mais une idée dont nous discutons avec tous les États partenaires comme l’Algérie. C’est une idée que nous avons lancée avec l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie et le secrétaire général de la Ligue arabe en septembre dernier.

S’il est clair que le gouvernement israélien ne veut pas négocier la paix, s’il est clair que le gouvernement des États-Unis n’est pas prêt à organiser d’autres négociations, et s’il est clair que les dirigeants palestiniens ont encore du travail à faire et sont divisés, alors d’autres ne peuvent pas attendre. Nous ne pouvons pas rester ainsi et nous dire : si les Israéliens, les Palestiniens et les américains ne font pas les démarches importantes, nous non plus.

Non, il est de notre devoir de faire tout notre possible pour préparer la paix, mais aussi de mettre en pratique cette intégration dans une région qui coopère dans les domaines de la sécurité, de la politique régionale, de l’économie, de l’eau, de l’énergie et du changement climatique. La paix doit être préparée de manière très pratique.

Malheureusement, trois semaines après le lancement de cette initiative en septembre les attaques du 7 octobre ont eu lieu et elle ne peut plus continuer en tant que telle. L’Union européenne pense maintenant que nous devons être plus ambitieux et avoir plus de responsabilités.

C’est pourquoi nous évoquons maintenant de la possibilité de convoquer une conférence préparatoire. Bien sûr, cela ne signifie pas une conférence ordinaire, car il est clair que le gouvernement israélien n’est pas vraiment intéressé maintenant et que les Palestiniens ont encore beaucoup de travail à faire entre eux et que les américains ont aussi beaucoup de travail à faire sur place.

Mais d’autres peuvent commencer et appeler les parties au conflit à s’engager avec nous. Mais si aucune ou toutes les parties au conflit ne sont encore prêtes, nous pouvons commencer à nous préparer à notre devoir envers la région.

 

Travaillez-vous là-dessus ? Y a-t-il des préparatifs pour cette conférence?

Oui. Nous avons rédigé un document informel pour les ministres des Affaires étrangères de l’Europe en janvier. Ce document a été divulgué à la presse par quelqu’un, pas par moi parce que ce n’était pas le but, mais il est dans la presse en ce moment, donc vous pouvez presque lire son contenu.

Les idées évoluent aussi parce que je parle avec nos partenaires comme l’Algérie, l’Arabie saoudite, les États-Unis, la Chine et tous les autres pays avec lesquels nous voulons travailler.

Mais c’est une discussion qui est loin d’être terminée, car nous voyons maintenant que la priorité, qui est beaucoup plus importante que de parler d’une conférence de paix, est de mettre fin aux souffrances à Gaza.

Je ne veux donc pas perdre votre temps ou le mien à parler de choses qui ne sont pas d’actualité.

Quelle est votre conception d’une solution à deux États ? S’agit-il de la solution à deux États telle qu’énoncée dans l’Initiative arabe de 2002, c’est-à-dire aux frontières de 1967, ou avez-vous une autre conception de cette solution ?

Une solution à deux États signifie un Israël sûr à l’intérieur des frontières de 1967 et un État palestinien libre et sûr de l’autre côté des frontières de 1967.

Cela a été prévu dans l’initiative arabe de 2002 ainsi que dans l’initiative vieille de 40 ans de l’Union européenne. Ces États doivent exister côte à côte.

Si les Palestiniens réfléchissement à changer les frontières d’un commun accord entre les deux parties, nous ne pouvons pas dire non, mais cela doit être un choix libre pour les palestiniens et les israéliens.

Comment l’Algérie peut-elle contribuer à une solution au conflit selon vous? 

L’Algérie est un partenaire très important, surtout après son adhésion au Conseil de sécurité. Votre pays est également un leader dans le monde arabe et vous avez une voix très claire. Votre soutien au peuple palestinien est également très clair et qu’il y a une unité sur cette question parmi les algériens, donc pour l’Union européenne, il est important de travailler avec vous. L’UE est comme vous le savez, le premier donateur de l’UNRWA et le plus important donateur de l’Autorité palestinienne.

Mais vous avez cessé de financer l’UNRWA ?

Non, ce n’est pas vrai. Nous continuons de soutenir l’UNRWA et d’autres États membres l’ont fait. Certains pays ont suspendu leurs subventions et beaucoup sont revenus sur leur décision et repris leur financement par la suite, tandis que les institutions de l’Union européenne ont augmenté leur soutien. Cela prouve que nous sommes les amis du peuple palestinien et ses donateurs les plus importants. Nous sommes, en même temps, aussi partenaires d’Israël et nous voulons utiliser ces relations et liens pour contribuer à la paix ainsi que pour l’avenir, et c’est ce que nous voulons faire avec votre gouvernement et avec votre ministre des Affaires étrangères avec lequel nous avons eu d’excellents entretiens.