Le village de Takoucht, l’un des plus grands villages de Bouzeghène dans la wilaya de Tizi Ouzou, figure parmi les nombreux villages de la Troisième Wilaya historique que la France coloniale a incendiés et détruits complètement pendant la glorieuse guerre de libération, selon les témoignages recueillis par l’Agence Algérie Presse Service (APS) auprès de ses habitants.
L’armée coloniale française, qui n’a pas réussi à réprimer le soutien des habitants du village de Takoucht à la révolution ni à contrôler la résistance des villageois qui s’étaient presque tous rangés derrière la Révolution, en rejoignant les rangs de l’Armée de Libération Nationale, en fournissant renseignements, nourriture, abri et tous les moyens matériels nécessaires aux moudjahidines —, a puni les habitants en les expulsant de leurs maisons et en incendiant le village entièrement.
Les anciens du village se souviennent encore, jusqu’à aujourd’hui, de ce jour funeste où ils furent contraints de quitter leurs maisons, ne transportant avec eux que peu de choses, avant de mener une vie de nomades dans les villages voisins.
L’un des anciens raconte que l’ordre de départ, émis par l’armée d’occupation française, leur était parvenu le 17 juin 1958, et qu’un délai de 36 heures leur avait été accordé pour évacuer le village. Il ajoute : « Nous avons fui chacun de notre côté, vers les villages voisins, où nos proches nous ont hébergés jusqu’à l’indépendance ».
Les villageois se rappellent aussi des “avions jaunes” qui survolaient leurs têtes en direction de leurs maisons qu’ils venaient à peine de quitter, et ils n’ont jamais oublié le vacarme des bombes assourdissantes qui s’abattaient sur leur village et sur leurs quartiers désormais déserts. Leur mémoire a conservé les images douloureuses des colonnes de fumée et des flammes montant des maisons en terre en train de brûler, un spectacle témoignant de l’ampleur de la destruction et de la ruine qui ont frappé le village de Takoucht.
Cette opération fut le châtiment infligé par la France pour le “crime” des villageois : avoir hébergé et soutenu les moudjahidines.
La maison de la famille Yahoui figurait parmi les plus importantes du village, servant de refuge aux combattants pendant la guerre de libération nationale.
« Les moudjahidines venaient se reposer dans cette maison après chacune de leurs opérations dans les environs. Ils y trouvaient repos et nourriture. Très souvent, cette maison servait aussi d’abri au colonel Amirouche et à ses hommes», affirment les habitants.
C’est dans cette même maison qu’avait également été capturé un soldat de l’armée française, lors d’une grande bataille dans un lieu appelé Taneïmet, au village Ath Frach (Bouzeghène), où la France avait subi de lourdes pertes face aux éléments de l’ALN, avant que le prisonnier ne soit transféré ailleurs, selon les mêmes témoignages.
Le soldat en question était le caporal Paul Bonhomme, capturé au cours de cette bataille le 30 août 1957, sur la route reliant Bouzeghène à Houra, au niveau d’un endroit appelé “le carrefour des généraux”, dans une embuscade tendue à un convoi de la 4e compagnie du 27e bataillon des chasseurs alpins, par environ cent moudjahidines armés d’armes automatiques et de lance-grenades, postés de part et d’autre de la route que l’ennemi devait emprunter.
Selon les anciens du village, « Les moudjahidines avaient capturé un soldat français dont nous ne connaissions pas l’identité. »
À l’époque, l’armée française avait dépêché des patrouilles pour le rechercher, sans parvenir à obtenir la moindre information auprès des habitants, restés fidèles à la Révolution et silencieux malgré toutes les menaces du colonisateur.
Un musée qui témoigne des massacres coloniaux
Dans le cadre des efforts visant à faire connaître aux nouvelles générations les massacres commis par la France dans son village, l’artisan Bouaraba Mahmoud, l’un des habitants de Takoucht, a pris l’initiative de créer un musée historique local, exposant l’arsenal militaire que l’armée française utilisait contre le peuple algérien.
Toutes les armes exposées sont fabriquées de ses propres mains, y compris les avions français, notamment les “avions jaunes”, ces bombardiers utilisés le 17 juin 1958 pour détruire le village de Takoucht.
L’artisan a affirmé que, par ce musée, il voulait : « Donner aux jeunes générations une idée de ce qu’ont vécu leurs ancêtres sous le joug du colonialisme, et leur faire comprendre que l’aspiration du peuple algérien à vivre libre et indépendant dans son pays était beaucoup plus forte que l’arsenal militaire de la quatrième puissance mondiale de l’époque. » Et d’ajouter : « Nous ne devons jamais oublier cette page de notre histoire. »
En août 2008, la direction de la culture de la wilaya a, de son côté, inauguré un autre musée sur le site ancien de “Tajmaât”, qui a été restauré et réhabilité.
Ce site contient une grande jarre en argile utilisée autrefois pour conserver la nourriture destinée aux moudjahidines pendant la guerre de libération nationale — symbole du soutien apporté par les villageois aux combattants, selon l’association “Aghenjour”, nom emprunté à la forêt voisine de Takoucht et à la source qui l’alimente en eau.
Les villageois gardaient cette jarre (appelée Akoufi en kabyle) enterrée sous le sol de la mosquée, et y déposaient la nourriture des moudjahidines avant de la refermer et de la recouvrir d’un tapis de prière.
À leur retour au village après l’indépendance, ils ont récupéré la jarre, intacte malgré les bombes françaises, et l’ont conservée jusqu’à son exposition dans le musée.
Le village de Takoucht a perdu 75 de ses fils valeureux tombés au champ d’honneur durant la guerre de libération nationale. Un mémorial a été érigé dans le village en leur mémoire.
En 1964, les familles de Takoucht sont revenues dans leur village, qu’elles ont trouvé en ruines, un spectacle de désolation rappelant l’horreur du colonialisme qui avait brûlé des villages entiers dans une tentative vaine d’affaiblir la révolution et de dissuader la population de soutenir les moudjahidines.
Le village de Takoucht a été reconstruit patiemment, pierre après pierre, avec ses ruelles étroites et son site de Tajmaât, grâce à la volonté et à la sueur de ses habitants, qui ont tout donné pour faire renaître la communauté et la mémoire collective de Takoucht , le village ressuscité.
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